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APHORISMES

la sublimité des opérations auxquelles elle est destinée.

J’y ai, en outre, découvert au moins trois mouvements de spication, de rotation et de verrition (a verro, lat., je balaye). Le premier a lieu quand la langue sort en forme d’épi entre les lèvres qui la compriment ; le second, quand la langue se meut circulairement dans l’espace compris entre l’intérieur des joues et le palais ; le troisième, quand la langue, se recourbant en dessus ou en dessous, ramasse les portions qui peuvent rester dans le canal demi-circulaire formé par les lèvres et les gencives.

Les animaux sont bornés dans leurs goûts : les uns ne vivent que de végétaux, d’antres ne mangent que de la chair ; d’autres se nourrissent exclusivement de graines ; aucun d’eux ne connaît les saveurs composées.

L’homme, au contraire, est omnivore ; tout ce qui est mangeable est soumis à son vaste appétit : ce qui entraîne, pour conséquence immédiate, des pouvoirs dégustateurs proportionnés à l’usage général qu’il doit en faire. Effectivement, l’appareil du goût est d’une rare perfection chez l’homme, et pour bien nous en convaincre, voyons-le manœuvrer.

Dès qu’un corps esculent est introduit dans la bouche, est confisqué, gaz et sucs, sans retour.

Les lèvres s’opposent à ce qu’il rétrograde ; les dents s’en emparent et le broient ; la salive l’imbibe : la langue le gâche et le retourne ; un mouvement aspiratoire le pousse vers le gosier ; la langue se soulève pour le faire glisser ; l’odorat le faire en passant, et il est précipité dans l’estomac pour y subir des transformations ultérieures, sans que, dans toute cette opération, il se soit échappé une parcelle, une goutte ou un atome, qui n’ait pas été soumis au pouvoir appréciateur.