Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
79
DES ALIMENTS.

quise et fondée sur de bonnes lois. Je suis maître chez moi, et vous ne vous en étonnerez pas quand vous saurez qu’on n’y entend jamais le bruit du tambour, et que, hors le 4 juillet, anniversaire glorieux de notre indépendance, on n’y voit ni soldats, ni uniformes. ni baïonnettes. »

Pendant tout le temps que dura notre retour, j’eus l’air absorbé dans de profondes réflexions : on croira peut-être que je m’occupais de la dernière allocution de M. Bulow ; mais j’avais bien d’autres sujets de méditation : je pensais à la manière dont je ferais cuire mon coq-d’Inde, et je n’étais pas sans embarras, parce que je craignais de ne pas trouver à Hartford tout ce que j’aurais désiré ; car je voulais m’élever un trophée en étalant avec avantage mes dépouilles opimes.

Je fais un douloureux sacrifice en supprimant les détails du travail profond dont le but était de traiter d’une manière distinguée les convives américains que j’avais engagés. Il suffira le dire que les ailes de perdrix furent servies en papillote, et les écureuils gris courbouillonnés au vin de Madère.

Quant au dindon, qui faisait notre unique plat de rôti, il fut charmant à la vue, flatteur à l’odorat et délicieux au goût. Aussi, jusqu’à la consommation de la dernière de ses particules, on entendait tout autour de la table : « Very good ! exceedingly good ! oh ! dear sir, what a glorious bit ! » Très-bon, extrêmement bon ! ô mon cher monsieur, quel glorieux morceau [1] !

  1. La chair de la dinde sauvage est plus colorée et plus parfumée que celle de la dinde domestique.
    J’ai appris avec plaisir que mon estimable collègue, dans la Caroline, qu’il les avait trouvées excellentes, et surtout bien meilleures que celles que nous élevons en Europe. Aussi conseille-t-il à ceux qui en élèvent de leur donner le plus de liberté possible, de les conduire aux champs et même dans les bois, pour en rehausser le goût et les rapprocher d’autant de l’espèce primitive. (Annales d’Agriculture, cah. du 28 février 1821.)