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méditation VI

dans l’état actuel de la science, il introduit sur nos tables la plus agréable variété.

Le poisson, moins nourrissant que la chair, plus succulent que les végétaux, est un mezzo termine qui convient à presque tous les tempéraments, et qu’on peut permettre même aux convalescents.

Les Grecs et les Romains, quoique moins avancés que nous dans l’art d’assaisonner les poissons, n’en faisaient pas moins très-grand cas, et poussaient la délicatesse jusqu’à pouvoir deviner au goût en quelles eaux ils avaient été pris.

Ils en conservaient dans des viviers ; et on connaît la cruauté de Vadius Pollion, qui nourrissait des murènes avec les corps des esclaves qu’il faisait mourir : cruauté que l’empereur Domitien désapprouva hautement, mais qu’il aurait dû punir.

Un grand débat s’est élevé sur la question de savoir lequel doit l’emporter, du poisson de mer ou du poisson d’eau douce.

Le différend ne sera probablement jamais jugé, conformément au proverbe espagnol, sobre los gustos, no hai disputa. Chacun est affecté à sa manière : ces sensations fugitives ne peuvent s’exprimer par aucun caractère connu, et il n’y a pas d’échelle pour estimer si un cabillaud, une sole ou un turbot valent mieux qu’une truite saumonnée, un brochet de haut bord, ou même une tanche de six ou sept livres.

Il est bien convenu que le poisson est beaucoup moins nourrissant que la viande, soit parce qu’il ne contient point d’esmazôme, soit parce qu’étant bien plus léger en poids, sous le même volume, il contient moins de matière. Le coquillage, et spécialement les huîtres, fournissent peu de substance nutritive ; c’est ce qui fait