Page:Piétresson de Saint-Aubin - Promenade aux cimetières de Paris.djvu/18

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trépas ; et si quelques hommes des grandes famille de la nation élevaient des tombeaux à leurs proches où à leurs amis, c’était toujours à la campagne et loin des villes qu’ils les plaçaient : ils se plaisaient à fixer la dernière demeure des personnes qu’ils avaient chéries, dans des endroits retirés, sous l’ombrage de quelque arbre, ou sur les bords d’un ruisseau, dont ils croyaient que le doux murmure réjouissait les mânes du défunt.

De tous les peuples de l’antiquité, les Romains furent les premiers qui négligèrent cet usage d’éloigner les morts du séjour des vivans. Leur coutume était de placer les tombes des morts sur les bords de ces grandes routes, qui partaient de la ville éternelle, comme d’un centre commun, pour se rendre dans les différentes provinces de l’Empire ; ces tombes, ainsi disposées autour de la ville de Rome, s’étendaient, sur certaines routes, à plus d’une lieue. La voie Appienne était surtout célèbre par les magnifiques tombeaux qui la bordaient, et les voyageurs qui venaient, pour la première fois, à Rome, étaient tout étonnés de voir qu’il leur fallait traverser une ville des morts, avant d’entrer dans la ville capitale du monde.

Cet usage, de disposer ainsi les monumens destinés à renfermer les dépouilles des humains, ne manquait point d’une certaine philosophie ces monumens apprenaient à l’homme à se bien conduire, en leur montrant incessamment le néant des choses de la terre Cependant il nous semble que cette vue continuelle du passé, que ce spectacle répété de la mort devait, à la longue, perdre beaucoup de son effet Les sensations qui se renouvellent trop souvent, s’émoussent bientôt et deviennent presque nulles pour le cœur de l’homme. Nous avons toujours remarqué que la vue inopinée d’un tombeau, dans un lieu solitaire, faisait sur le spectateur une impression bien plus durable que l’aspect habituel