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L’IDÉOLOGIE RATIONNELLES

vation scientifique et positive. Aucun autre n’eût été plus propre à donner aux grammairiens le goût de l’idéologie ; aux philosophes, le goût d’études si utiles pour la connaissance de l’homme (d).

L’année même où paraissait sa Grammaire, I). de Tracy se liait avec Biran, venu à Paris pour l’impression de son Mémoire. Au printemps de 180-4, il écrit à Fauriel que le tahleau des folies humaines que Degérando vient de tracer, avec tant de complaisance, lui donne la tentation de s’occuper de nouveau de ces rêveries : « Je vois toujours plus, ajoute-l-il, que c|ui en sait trois ou quatre en sait mille » 1^ : 2). A la Ihi de l’année, il donne une nouvelle édition de Y Idéologie. Il ne faudrait pas le prendre au mot, quand, dans son Avertissement, il afiirme qu’il n’a que réimprimé la première. Il y a introduit, a-t-il soin d’ajouter lui-même, des notes et des éclaircissements qui paraîtront importants à ceux qui approfondissent le sujet. Thurot, qui présenta le livre aux lecteui-s de la Décade, y signalait d’heureuses améliorations et la refonte entière du chapitre vu sur l’existence (3i. D. de Tracy n’a encore rien perdu de sa confiance ; il a une sécurité entière dans la solidité de ses principes. L’existence de la section d’analyse, dans l’Institut national, et d’une chaire de grammaire générale, quoiqu’elle ait eu une durée très courte, lui semhle avoir donné aux esprits une « impulsion prodigieuse et qui ne s’arrêtera point ». En août 1804, il écrivait à Biran : « Il se fait en ce moment de helles choses en grammaire générale exphquée et en grammaire comparée. Le feu sacré ne meurt pas ;

(1) Voyez Rihot, PA7/c/io/o, r/(’e anglaise, artide sur James Mill, etc. Les travaux de D. de Tracy oui été continués par Fr. Thurot, dont le neveu a été aussi connu rouinu’ jdiilosoplie que comme philologue ; par CnrdaiUnc. au([uel on a attribué plus d’une fois des théories qu’il n’avait fait que reprendre chez les ideoloirues. Cf. ch. viii, § 4.

(2) Sainte-Beuve, Fauriel, p. 184.

(3) Une note de trois pages, placée à la fin du chapitre iv, montre que n. de Ti’acy est occupé à rédiger sa Lor/ique, on il doit étabUr que l’idée exprimée par l’attribut est plus générale que celle dont le sujet est l’expression. Ailleurs, parlant de l’habitude, il déplore lîi perte de Urai)arnand et constate ([u’nn é]irouvc, en idéologie, ce qu’on a éproué en chimie, où les él^’uients les jilus grussiei’S avaient été seuls d’abord remarqués, tandis que les plus subtils échappaient à rohservation. Puis dans une note de dix pages, où il cite le Mémoire de Biran sur Vllabllude, « un des meilleurs ouvrages qui aient jamais été écrits sur ces matières », il établit la dittérence qui sépare la langue algébrique des autres lanirues et conclut qu’on ne peut la transporter dans d’autres matières, qu’on ne peut en domjer les piopriétés aux autres langues, ni produire, par des formes syllogistiques, le même effet qu’avec des formules algébriques. Enfin il supprime la longue récapitulation qui terminait la première édition et la remplace par un E.rfrait raisonné, servant de table analytique, « plus propre à montrer l’enchaînement des idées et à en faii-e sentir le faible, si elles étaient mal fondées ou mal suiies ».