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Séduira le gourmet, ami des petits plats,
Du vin frais, des cœurs chauds, des plaisirs délicats,
Et de l’esprit sans fiel, qui, jamais, ne se fane !




LE CAPRICE



Cheveux bouclés, nez retroussé,
Un regard où la gaîté brille ;
Le pied bien cambré, — bien chaussé ;
Un esprit charmant qu’on gaspille.



Le brodequin demi-lacé,
(Le temps presse : il faut qu’on babille !)
Sur la lèvre un chant commencé…
Les bras ronds et la main gentille.



À vingt ans ce joyeux démon
Est sage !… autant que Salomon
L’était, au sortir de nourrice.



Malicieux, — mais sans détour, —
On voudrait que ce fût l’Amour !…
Hélas ! ce n’est que le Caprice.




NOËL



Trois et quatre ans. La sœur aînée,
En chemise, hier soir a mis
Dans l’humble et froide cheminée,
Deux brodequins bleus dévernis.



Voici l’aube de la journée
Où les anges du paradis,
Quand Noël a fait sa tournée,
Vont éveiller les tout petits.



Elles grelottent, les fillettes,
En quittant leurs pauvres couchettes,
Pour courir vers l’âtre, sans bruit.



Hélas ! les bottines percées
Sont encor vides et glacées…
La mère est morte dans la nuit.




L’IRIS



En suivant tous les deux un agreste chemin
Qui menait à l’étang où le taillis se mire,
Nous égrenions jadis notre plus joyeux rire,
Enivrés de soleil et la main dans la main.

Le murmure des bois comme un tendre refrain,
Répondait aux chansons que la jeunesse inspire,
Et, pour mieux écouter une invisible lyre,
Svelte et charmant, l’iris semblait sortir du bain.

Abrités sous les fleurs, des oiseaux en querelle
Bientôt faisaient la paix, volant à tire-d’aile,
Et fêtaient leurs amours dans le ciel empourpré…

Je suis allé revoir, à la saison dernière,
L’iris, parmi les joncs dressant sa tête fière ;
Mais j’étais seul alors, — et soudain j’ai pleuré.

Alexandre Piedagnel.

Directeur littéraire : ALBERT de NOCÉE, Bruxelles, 69. rue Stévin, 69