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études historiques

sages conservateurs comme le duc de Richelieu et Villèle à celles de libéraux modérés comme Decazes et Martignac, plus tard l’énergie d’un Casimir-Périer, puis l’intéressante rivalité d’un Thiers et d’un Guizot — un mouvement d’idées tel qu’on n’en vît jamais de plus intense, le modernisme catholique de Lamennais, de Lacordaire, de Montalembert côtoyant les audaces sociales de Saint-Simon et de Fourier : tout cela revêtu de somptuosité par le romantisme de Châteaubriand, de Victor Hugo, de Lamartine — l’éloquence de la tribune répondant à celle de la chaire — une presse encore inexperte mais brillante et consciencieuse… on eût dit que l’esprit français pendant cette belle période ressemblait à quelque palais enchanté répandant de la lumière par toutes les fenêtres de ses façades.

Forces militaires enfin : au temps des armées de métier, il était malaisé pour une nation attachée à la paix de maintenir ses troupes en haleine mais l’Algérie fournit à la France un merveilleux terrain d’entraînement propre à lui former des soldats endurants et des chefs énergiques sans compter l’occasion d’un apprentissage colonial dont elle devait par la suite utiliser les enseignements. À la veille de sa chute, Charles X, par l’opportune occupation d’Alger, repaire de pirates, avait accru de la façon la plus heureuse, le patrimoine national. Cette conquête pourtant, on faillit l’évacuer pour complaire aux Anglais et par méconnaissance de sa valeur ; la conservant, il fallut l’étendre et la rendre sûre et stable. Quinze années durant, en face de la résistance habilement concentrée par Abd-el-Kader, l’armée française avait bataillé, gagnant en vaillance, en souplesse, en unité au point de devenir un remarquable instrument de guerre.

De tout cela, Louis-Napoléon Bonaparte se trouva le bénéficiaire ; et il eut encore une force à son actif, le besoin de réaction d’une opinion humiliée. Louis-Philippe, bon administrateur, avait assez mal régné. Avant lui, la monarchie de Louis XVIII, malgré l’affaiblissement initial que lui avait valu l’aventure des « Cent jours », avait su assez vite reprendre son rang en Europe. Le principe discutable de l’expédition d’Espagne n’avait pas empêché la prise du Trocadéro de jeter quelque lustre sur son drapeau fleurdelisé. Sous Charles X, Navarin et Alger avaient apporté de la vraie gloire, saine et franche. Avec Louis-Philippe tout avait changé. La bourgeoisie triomphait, non pas celle de jadis sur laquelle les rois capétiens s’étaient souvent appuyés pour lutter contre l’emprise des seigneurs mais la bourgeoisie issue de la révolution de 1789 qu’elle avait dévoyée. Hostile à la