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variétés

attendu qu’elle dessinait ses membres trop grêles et accusait la maigreur de son thorax et de ses bras. L’escrime lui était plus favorable. Un tailleur spécial venait lui essayer, plusieurs fois l’an, des costumes où il faisait mettre double épaisseur de toile à voile, étant, disait-il, de ces escrimeurs qui ne se ménagent pas et que la fougue de leur attaque expose continuellement à de mauvais coups. Callimatias s’employait ensuite à maculer discrètement ses costumes neufs à l’aide d’un bouton de fleuret trempé au préalable dans la cendre et frotté contre une plaque de fer fortement rouillée. Il dessinait sous le bras la traînée du coup qui a passé après s’être appuyé un instant ; il semblait par là un de ces tireurs redoutables dont on n’atteint pas facilement la poitrine. Callimatias se tenait chaque matin de dix heures à midi dans sa salle d’armes en compagnie d’un jeune homme timide bien que d’aspect rébarbatif lequel était censé diriger son entraînement. C’était l’heure où il souhaitait principalement qu’on vint le voir et il offrait à ceux qui venaient un vin d’Espagne renommé et des cigarettes de tabac rare.

Callimatias possédait dans son salon une belle photographie représentant un groupe de rameurs en train de replacer leur bateau dans le garage après l’exercice. C’étaient, expliquait-il, ses camarades au temps qu’il étudiait à l’Université de Cambridge ; il s’étonnait qu’on ne le reconnût pas dans l’un d’eux dont le visage malheureusement se trouvait dans l’ombre. Toutefois il prenait garde de trop s’attarder sur ce sujet, tant parce qu’il n’avait jamais été à Cambridge que parce qu’il possédait fort imparfaitement les termes techniques du rowing et n’était pas sûr de pouvoir distinguer une yole d’un outrigger.

La natation le mettait plus à l’aise. On l’entendait sans cesse se plaindre qu’il n’y eût point à Paris de larges piscines d’eau tiède ainsi qu’il en existe à Londres et dans d’autres grandes villes ; il s’élevait de même avec véhémence contre la puanteur des eaux de la Seine, indiquant par là l’impossibilité où il se trouvait de satisfaire son goût pour la natation autrement qu’en été sur les plages du littoral. Rien ne contrariait dès lors l’essor de son imagination et, bien qu’il n’eût jamais affronté d’autre onde que celle de sa baignoire, il en arrivait, à force de les raconter, à croire aux « pleines eaux » dont le récit mouvementé était sans cesse sur ses lèvres.

Des skis gigantesques dressés dans un coin et dont, aux approches de l’hiver, il s’occupait ostensiblement à enduire d’huile de lin cuite au bain-marie la surface lisse lui fournissaient l’occa-