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discours et documents

retour. C’est pourquoi cette Conférence consultative a été convoquée à l’effet d’étudier « dans quelle mesure et en quelle forme les Arts et les Lettres pourraient participer à la célébration des Olympiades modernes et, en général, s’associer à la pratique des sports pour en bénéficier et les ennoblir ». Donc un double objet : d’une part organiser la retentissante collaboration des Arts et des Lettres aux Jeux Olympiques restaurés et de l’autre, provoquer leur collaboration quotidienne, modeste et restreinte aux manifestations locales de l’activité sportive. Ne doutons pas, Messieurs, d’y parvenir ; ne doutons pas non plus qu’il n’y faille beaucoup de temps et de patience.

Un premier point de notre programme sur lequel nous solliciterons vos avis et vos conseils, ce sera la création projetée de cinq concours d’architecture, de sculpture, de peinture, de musique et de littérature destinés à couronner tous les quatre ans des œuvres inédites directement inspirées par l’idée sportive. Au début, peut-être, la participation à de telles compétitions risque de paraître menue en quantité et même pauvre en qualité. C’est qu’ils ne tenteront d’abord, sans doute, que des artistes et des écrivains personnellement adonnés à la pratique des sports. Même le sculpteur, pour bien interpréter la tempête musculaire que l’effort soulève dans le corps de l’athlète, ne devrait-il pas en avoir ressenti quelque chose dans son propre corps ? Mais quoi ! allons-nous nous laisser arrêter par ce préjugé sans fondement et déjà désuet de l’incompatibilité du sport avec certaines professions ? La puissance et l’universalité acquises en si peu de temps par la renaissance sportive nous protègent contre une pareille crainte. La génération prochaine connaîtra des travailleurs de l’esprit qui seront en même temps des sportifs. N’y en a-t-il pas déjà parmi les escrimeurs ?

En cela le temps agit avec nous et pour nous. Il y aurait imprudence à trop attendre de lui pour ce qui concerne l’alliance à conclure entre athlètes, artistes et spectateurs. Là, tout est à faire ; car on a désappris l’eurythmie. La foule d’aujourd’hui est inapte à associer les jouissances d’art d’ordre différent. Ces jouissances, elle s’est accoutumée à les émietter, à les sérier, à les spécialiser. La laideur et la vulgarité des cadres ne l’offusquent pas. De belle musique la fait vibrer mais qu’elle résonne au centre d’une noble architecture la laisse indifférente. Et rien ne semble se révolter en elle devant ces décorations misérablement routinières, ces cortèges ridicules, ces cacophonies détestables et tout cet attirail dont se compose ce qu’on nomme de nos jours