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le roman d’un rallié

les mâts de la Champagne, portant le pavillon postal, le guidon de la compagnie et le drapeau étoilé des États-Unis ; à l’arrière, flotte un grand drapeau tricolore. C’est celui-là que vont chercher les regards d’Étienne et une foule de pensées émues se pressent dans son esprit : la fierté de pouvoir se réclamer dans le monde de ces trois glorieuses couleurs, l’inquiétude vague de la lutte qu’il va entreprendre, le regret de la belle vie libre et mouvementée qui prend fin, et cet autre regret, bien plus amer, que laissent en lui les souvenirs des derniers jours, le rêve si rapidement éclos, si brusquement évanoui..… Le reflet blanc qui passe, encadré dans le rouge et le bleu de l’étendard national, prend un sens caché à ses yeux et représente la ligne droite et franche qu’il suivra désormais, soutenu par le courage et par l’espérance puisés ici. Autour de lui, c’est un chaos babélique ; passent des émigrants qu’on rapatrie, des Français rieurs, de grands Américains secs, des Allemands à lunettes. Un landau attelé de chevaux noirs vient se ranger tout contre la passerelle. Par les ouvertures percées dans le flanc