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le roman d’un rallié

L’atmosphère passe d’une transparence fine à une opacité lourde, au hasard des fortes brises qui se croisent, luttent et se repoussent au-dessus les unes des autres, apportant l’odeur grisante de la houle et du varech ou bien les parfums de la terre et des herbes.

Malgré sa sauvagerie, ce coin de Bretagne est doux et apaisant. Depuis qu’il est de retour au pays natal, Étienne de Crussène a pris l’habitude de venir là chaque jour ; et quels que soient les ombres et les reflets, le paysage se trouve toujours en harmonie avec l’état de ses pensées. C’est un conseiller intime qui lui parle tour à tour de bravoure, d’espérance, de philosophie… Et Étienne a très besoin qu’on lui parle de cela, car son cœur commence à se déchirer. Il est retombé très vite dans la notion douloureuse de sa situation exceptionnelle et n’a pas su encore mettre un peu d’ordre au travers de ses pensées. Un tableau revient, sans cesse, la nuit dans ses songes, le jour dans ses rêveries ; la terre d’Amérique fuyant toute basse à l’horizon et le grand steamer labourant les flots et s’enfonçant dans