Page:Pierre de Coubertin - Hohrod - Roman d'un Rallié, 1902.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
le roman d’un rallié

impérieux, en homme chez qui la vie déborde et qui a su réduire les choses en esclavage. Petit de taille, les épaules trapues, la figure affinée par une barbe noire taillée en pointe, les yeux vifs, mobiles, pétillants, il donnait bien l’impression de la conquête, et sa démarche solide, régulière, faisait de lui comme le maître des lieux qu’il traversait. Il alla du même pas jusqu’au perron, secoua la neige de ses chaussures contre la dernière marche et sonna. La seule chose qui éveillait toujours dans le tréfonds de son âme un imperceptible malaise, un frissonnement aussitôt réprimé, c’était ce grand lion de granit, sculpté sur la façade avec son glaive et sa mine altière. L’animal héraldique représentait pour lui tout l’inquiétant mystère des âges disparus, la faucille d’or des Druides et les armures des Croisés.

Dans le vestibule, il rencontra Éliane qui passait, une partition sous le bras. En l’entendant demander le marquis d’un ton qui semblait habitué au commandement, la jeune fille se retourna et le toisa avec une suprême insolence.