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pédagogie sportive

une retraite bien couverte et bien ordonnée. De là, les feintes, les pièges tendus, les « temps » marqués à propos, les attaques esquissées et brusquement modifiées, tout l’ensemble de savantes et fines manœuvres qui exigent une perpétuelle retenue des forces et expliquent à la fois la complexité raffinée de l’escrime, la tension nerveuse qu’elle provoque et le caractère de la fatigue qu’elle peut arriver à produire.

Le fleuret, arme légère, qui s’interdit chevaleresquement de toucher ailleurs qu’à la poitrine est particulièrement apte à préparer le tireur de pointe auquel sa position effacée et l’action mécanique de son allonge imposent, en raison de leur caractère anormal, un travail préalable opiniâtre ; la leçon de fleuret représente pour l’escrimeur ce qu’est l’exercice des gammes pour le pianiste. On ne peut s’en passer pour progresser. ▬ Cette leçon devrait toujours être prise des deux mains en commençant par la gauche (par la droite si l’on est gaucher) de façon à maintenir l’équilibre corporel que l’escrime tend à détruire.

L’épée introduit la possibilité d’un jeu de force auquel le tireur de fleuret ne recourra jamais sans se condamner à la médiocrité ; l’épéiste, lui, s’y risquera sans dommage si son tempérament et ses moyens l’y inclinent ; par là, bien plus que par des différences conventionnelles dans le système de toucher, le fleuret et l’épée divergent et, si l’on peut ainsi dire, « leurs génies s’opposent ».

Le sabre est à la fois arme de tranchant et arme de pointe et celui qui le manie est porté à hésiter entre ces deux qualités, ou plutôt à les sacrifier l’une à