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pédagogie sportive

esprits. Alors peuvent se créer, après de longs intervalles d’inertie, des courants puissants[1] qui ne seront pas nécessairement durables. Leur durée ne sera assurée que par l’à-propos avec lequel ils seront alimentés et entretenus et surtout par la sagesse avec laquelle on saura parfois les retenir et les restreindre.

Les mêmes périls menacent toujours les sports ; d’une part, l’opinion dont la faveur leur est indispensable risque de se lasser de les soutenir et de finir par se détourner d’eux ; d’autre part, l’organisateur de spectacles tend à corrompre l’athlète pour mieux satisfaire le spectateur.

L’athlète moderne a, de par la civilisation trépidante au sein de laquelle il vit, deux ennemis qui lui sont plus redoutables qu’à ses prédécesseurs : la hâte et la foule. Qu’il se garde. Le sport moderne durera s’il sait être, du nom charmant que les Coréens donnaient jadis à leur pays : « l’empire du Matin calme ».

  1. Ces courants se répercutent en tous lieux. C’est ainsi que l’Islande dans son isolement a ressenti, elle aussi, l’action sportive moderne. En l’an 1100 la lutte, sport national, y était fort pratiquée par des membres de l’Althing aussi bien que par les fermiers de l’intérieur. Trois écoles de lutte fonctionnaient et le championnat annuel (Boendaglima) était jour de liesse générale. En 1874, le sport avait à ce point déchu qu’on ne trouva dans toute l’île que deux lutteurs à montrer au roi Christian ix. Or, trente-trois ans plus tard, lors du voyage de Frédéric viii, lutteurs et spectateurs affluèrent comme au temps passé.