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lettres olympiques.

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Athènes, 15 avril 1896.

Quand les Grecs jadis se rassemblaient en quelqu’un de leurs sanctuaires renommés pour assister à ces fêtes grandioses dont la périodicité embellissait les étapes de leur existence, il est advenu sans doute que dans leurs rangs la mort a frappé inopinément ; pour elle, il n’y a ni délai ni trêve. Peut-être celui que les Dieux retiraient ainsi de ce monde, en pleine période de paix et d’allégresse, était-il quelque grand citoyen auquel n’avaient manqué ni les satisfactions de la popularité ni les amertumes de l’exil. Et alors, j’imagine que dans ces sites sacrés où sur les choses mêmes passait comme un reflet d’immortalité, l’heure de la justice sonnait pour le mort. L’unité de son existence s’affirmait ; les mobiles de ses actions, les motifs de ses erreurs se dessinaient ; ses amis se réjouissaient de l’avoir compris ; ses ennemis craignaient de l’avoir méconnu.

Je pensais à cela, l’autre soir, en regardant, de ma fenêtre, Athènes illuminée, insouciante encore devant la fin prématurée de Ch. Tricoupis. Une merveilleuse retraite aux flambeaux faisait le tour de la place de la Constitution. Les fanfares sonnaient, les drapeaux des nations étrangères soulevaient sur leur passage des acclamations ; les flammes vertes et rouges brûlant de tous côtés incendiaient la façade sévère du palais du roi devant lequel dansait le cortège fan-