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KERKYRA



Les barbares l’ont appelée Corfou.

Mais ceux qui connaissent l’île vaporeuse n’aiment pas qu’on la nomme ainsi. Ces deux syllabes dures et brèves sonnent comme le heurt d’un glaive sur quelque terre de granit perdue dans les brumes d’un océan septentrional, au lieu que le doux nom grec de Kerkyra semble le soupir harmonieux de la mer Ionienne au pied des collines vertes. Quand vous venez d’Italie, ayant quitté sans regret l’ennuyeuse Brindisi et les plates campagnes qui l’environnent, vous percevez sur l’horizon une haute muraille d’un gris rose, avec parfois de la neige sur les sommets. C’est la côte albanaise, une côte continentale très longue et très puissante, derrière laquelle on devine de vastes étendues de pays, des peuplades obstinées, des passés sanglants et ténébreux. Les monts sont abrupts, le sol stérile, les rives inhospitalières. Peu à peu se dresse dans le ciel une sorte de promontoire