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chicago.

Souvent je revois par la pensée deux personnes auxquelles il m’a été donné de rendre visite la dernière fois que je me suis trouvé à Chicago. L’une est le président Harper, qui dirige l’Université de Chicago ; l’autre est miss Addams, qui dirige Hull-House. Le président Harper est un homme très pressé et très glorieux. Il m’a dit de son institution naissante que, dans dix ans, elle serait la première du monde et que déjà maintenant elle fonctionnait « comme une compagnie de chemin de fer » ; ce dont il se montrait ravi, sans que j’aie pu déterminer de quelle nature était la joie que lui inspirait cette bizarre assimilation. Miss Addams est un apôtre ; elle ne va pas dans les beaux quartiers, et ses ambitions ne visent pas au delà des misères qui l’entourent et qu’elle veut soulager. Résidant au milieu de cette nuit polaire de l’infortune, elle en sait long sur la ville superbe, aux fragiles assises : Hull-House, le quartier général de ses charités, est bien modeste à côté des pignons robustes de l’Université ; mais c’est là que se trouve le salut de Chicago, si Chicago doit être sauvé, et non chez le président Harper.

vi

Et voici un autre paradoxe que peuvent discuter les philosophes.

C’est une grève, une grève sanglante, bestiale, injuste, qui a renversé les palais de la World’s Fair, couvert de décombres ces beaux jardins de Jackson-Park, souillé l’eau des lagunes, brisé l’enceinte immense Or il fut un temps où la question sociale