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par éclater. Les Cortès convoquées entreprirent de libéraliser l’Espagne, mais le roi n’attendait qu’une occasion de reprendre ses concessions.

Ces effervescences, si l’on peut ainsi dire, se manifestaient selon les règles. Il n’y avait là rien que de normal ; c’était l’éternel conflit entre gouvernants et gouvernés. Tout autre était le fait d’un groupe ethnique « porté comme disparu » et reparaissant soudain pour revendiquer son droit de vivre. Un tel phénomène n’était-il pas contraire à l’ordre établi ? La théorie bossuetique de la « succession des empires » et le dogme de la « légitimité » qui en était issu se trouvaient ébranlés par cette affirmation révolutionnaire de la survivance des races. De toutes les puissances, la plus atteinte était l’Autriche. Mosaïque de peuples divers, que deviendrait-elle si chacun de ces peuples venait réclamer à son tour l’indépendance ou seulement l’autonomie ?… L’influence autrichienne dominait maintenant dans la Sainte-alliance. Ce n’étaient plus les pieuses rêveries du tsar mais bien les calculs secs et précis du chancelier Metternich qui l’emportaient dans les conseils de l’Europe. Infatué de lui-même, Metternich s’attribuait le rôle de gendarme providentiel et jugeait que de sa ténacité dépendait le salut du monde. Comme le caporal légendaire, il ne voulait plus entendre « remuer un œil ». Aussi s’employa-t-il à obtenir que les délégués hellènes envoyés à Vérone fussent éconduits. Le congrès refusa de les entendre.

L’opinion occidentale pourtant, commençait à devenir attentive. Fort ignorante de l’état du monde balkanique, elle s’imaginait en général la péninsule occupée par de vagues débris d’ancien-