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LYRIQUES IONIENS. SCOLIES.

vulgaire de tous les mètres connus : presque toutes les odes en sont uniquement composées.

Je n’entreprends pas de déterminer, comme le font quelques-uns, l’époque respective de telle ou telle des odes anacréontiques. Il me suffit d’avoir montré qu’en général elles ne sont point ou ne sauraient être d’Anacréon, et qu’elles appartiennent aux siècles de décadence. Je répète aussi que ces bluettes ne sont presque jamais sans charme, et que les plus insignifiantes ont encore leur valeur. Voyez, par exemple, la petite pièce qui ouvre le recueil. La pensée n’est rien ; pourtant il y a dans ce chant, si simple et si peu rempli, je ne sais quelle gracieuse naïveté qui plaît à l’âme : « Je veux dire les Atrides, je veux chanter Cadmus ; mais mon luth, sur ses cordes, ne fait retentir que l’amour. J’avais changé les cordes naguère, et remonté complètement ma lyre ; et je chantais, moi aussi, les combats d’Hercule. Mais ma lyre m’accompagnait de chants d’amour. Adieu donc désormais, héros ; car ma lyre ne chante que les amours. » Quelques-uns de ces morceaux sont même des tableaux achevés, et que ne désavoueraient pas les plus grands maîtres : ainsi la Colombe, la Rose, l’Amour mouillé, d’autres encore trop connus pour qu’il soit besoin de les nommer.


Vie d’Anacréon.


Je reviens à Anacréon lui-même. Anacréon était né à Téos, on ne sait en quelle année, mais assez longtemps avant la prise de la ville par Harpagus et la fuite des habitants, qui allèrent fonder en Thrace ou plutôt repeupler Abdère. Ceci se passait environ l’an 540 avant Jésus-Christ. Anacréon, homme fait déjà et poëte célèbre, se trouvait parmi les exilés téiens. Quelques années après, il était à la cour de Polycrate. Il resta à Samos jusqu’à la chute de son protecteur, traîtreusement renversé et mis à mort, en 522, par Orœtès, satrape de Cambyse. Les Pisistratides lui offrirent alors un asile à Athènes, où ils avaient réuni la plupart des poëtes fameux du temps. Anacréon passa là plusieurs années, puis il alla visiter la Thessalie, attiré par la munificence des Alévades ; enfin, il