Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/109

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nécessairement la politesse au souverain degré.

Mais comment arrive-t-il qu’un homme d’un génie élevé, d’un cœur généreux, d’une justice exacte, manque de politesse, tandis qu’on la trouve dans un homme borné, intéressé et d’une probité suspecte ? C’est que le premier manque de quelques qualités sociales, telles que la prudence, la discrétion, la réserve, l’indulgence pour les défauts et les foiblesses d’autrui : une des premières vertus sociales est de tolérer dans les autres ce qu’on doit s’interdire à soi-même. Au lieu que le second, sans avoir aucune vertu, a l’art de les imiter toutes. Il sait témoigner du respect à ses supérieurs, de la bonté à ses inférieurs, de l’estime à ses égaux, et persuader à tous qu’il en pense avantageusement, sans avoir aucun des sentimens qu’il imite.

On ne les exige pas même toujours, et l’art de les feindre est ce qui constitue la politesse de nos jours. Cet art est souvent si ridicule et si vil, qu’il est donné pour ce qu’il est, c’est-à-dire, pour faux.

Les hommes savent que les politesses qu’ils se font ne sont qu’une imitation de l’estime. Ils conviennent, en général, que les choses obligeantes qu’ils se disent ne sont pas le langage de la vérité, et dans les occasions particulières ils en sont les dupes. L’amour-propre persuade grossière-