Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/148

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réputation la plus étendue est toujours très-bornée ; la renommée même n’est jamais universelle. À prendre les hommes numériquement, combien y en a-t-il à qui le nom d’Alexandre n’est jamais parvenu ! Ce nombre surpasse, sans aucune proportion, ceux qui savent qu’il a été le conquérant de l’Asie. Combien y avoit-il d’hommes qui ignoroient l’existence de Kouli-Kam, dans le temps qu’il changeoit une partie de la face de la terre ! Elle a des bornes assez étroites, et la renommée peut toujours s’étendre sans jamais y atteindre. Quel caractère de foiblesse que de pouvoir croître continuellement, sans atteindre à un terme limité !

On se flatte du moins que l’admiration des hommes instruits doit dédommager de l’ignorance des autres. Mais le propre de la renommée est de compter, de multiplier les voix, et non pas de les apprécier. D’ailleurs, quel homme d’état osera se répondre de vivre dans l’histoire, quand on voit des médailles de plusieurs rois dont les noms ne se trouvent dans aucun historien ? L’état de ces princes[1] devoit cependant être considérable. Les arts y étoient florissans, à n’en juger que par la beauté de quelques-unes de ces médailles. Il y a des arts qui ne peuvent

  1. La reine Philistis, les rois Mostis, Samès, Memtès, Sarias, Abdissar, etc.