Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/155

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de sensation ; à peine le soupçonnoit-on. Il est vrai que si, par un heureux hasard le mérite simple et uni vient à être remarqué, il acquiert l’éclat le plus subit. On le loue avec complaisance, on voudroit encore l’augmenter ; l’envie même y applaudit sans sortir de son caractère : elle en tire parti pour en humilier d’autres.

Si les réputations se forment et se détruisent avec facilité, il n’est pas étonnant qu’elles varient, et soient souvent contradictoires dans la même personne. Tel a une réputation dans un lieu, qui dans un autre en a une toute différente ; il a celle qu’il mérite le moins, et on lui refuse celle à laquelle il a le plus de droit. On en voit des exemples dans tous les ordres. Je ne puis me dispenser d’entrer ici dans quelques détails, qui rendront les principes plus sensibles par l’application que j’en vais faire.

Un homme est taxé d’avarice, parce qu’il méprise le faste, et se refuse le superflu pour fournir le nécessaire à des malheureux ignorés. On loue la générosité d’un autre qui répand avec ostentation ce qu’il ravit avec artifice ou violence ; il fait des présens, et refuse le payement de ses dettes : on admire sa magnificence, quand il est à la fois victime du faste et de l’avarice.

On accuse d’insolence un homme qui ne fléchit pas avec bassesse sous une autorité usurpée