Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/156

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ou tyrannique : on reproche l’emportement à un autre, parce qu’il n’a pas porté la patience jusqu’à l’avilissement. Comme elle a ses bornes, les gens naturellement doux finissent souvent par avoir tort mal-à-propos, quand la mesure est comble. On ne sauroit croire combien il importe, pour le bien de la paix, de ne se pas laisser trop vexer, à moins que l’on ne consente à être avili.

On vante, au contraire, la douceur d’un homme entier, opiniâtre par caractère et poli par orgueil.

Une femme est déshonorée, parce qu’elle a constaté sa faute par l’éclat de sa douleur et de sa honte ; tandis qu’une autre se met à couvert de tout reproche par l’excès de son impudence ; celle-ci n’est pas même l’objet d’un mépris secret. Les hommes haïssent ce qu’ils n’oseroient punir ; mais ils méprisent ce qu’ils osent blâmer hautement. Leurs actions déterminent plus leurs jugemens, que leurs jugemens ne règlent leurs actions.

Si l’on passe des simples particuliers à ceux qui, paroissant sur un théâtre plus éclairé, sont à portée d’être mieux connus, on verra qu’on n’en juge pas avec plus de justice.

Un ministre est taxé de dureté, parce qu’il est juste, qu’il rejette des sollicitations payées,