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LA RÉUNION

célébrait l’office à la même heure, caché au fond d’un bois ou dans une maison, pendant que loin de lui ses ouailles, dont les sentiments s’accordaient aux siens, se recueillaient ou chantaient, soulageant leur piété inassouvie par cette « messe aveugle ». En somme, les catholiques en étaient revenus à la situation que leur avait faite au XVIe siècle les protestants partout où ils avaient triomphé. Et longtemps le souvenir se conserva, parmi le peuple flamand, de ce « gesloten tijd » où les âmes avaient si cruellement souffert.

Des arrêtés de déportation rendus contre les prêtres les plus opiniâtres ou les plus suspects ne réussirent pas à terroriser le clergé. La complicité de la population, parfois même celle des autorités, permit à beaucoup d’entre eux d’échapper aux rigueurs directoriales. Des 585 condamnés en l’espace d’un an environ, une trentaine seulement, parmi lesquels le recteur de l’université de Louvain, J.-J. Havelange, furent internés à la Guyane où plusieurs d’entre eux moururent.[1]

Par une conséquence logique de ses principes, le Directoire en arriva à instituer, à côté des religions positives, une religion d’État. Puisque les cultes traditionnels n’étaient à ses yeux que des superstitions qu’il fallait bien laisser subsister tout en reléguant leur exercice à huis-clos et en le soumettant à la police, il était indispensable qu’un culte public réunissant tous les citoyens, les pénétrât de la vérité et de la bienfaisance des principes républicains. La Théophilanthropie, créée au commencement de l’année 1797, parut d’abord répondre à ces fins. Avec l’appui officieux du gouvernement, « cette religion aimable qui fera comme la liberté le tour du monde » fit au moins le tour de Paris. Il y eut des tentatives pour l’introduire dans les départements. Jean-Nicolas Bassenge espéra un instant l’acclimater à Liège où elle végéta quelques mois[2]. Mais la froi-

  1. De la Gorce, op. cit., p. 245 et suiv. ; V. Pierre. La déportation ecclésiastique sous le Directoire (Paris, 1896). Pour la Meuse-Inférieure, on trouvera de nombreux détails dans Daris, Histoire du diocèse et de la principauté de Liège. XVIIIe siècle, t. IV, p. 71 et suiv. (Liège, 1873).
  2. Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 191. Cf. Daris, Histoire du diocèse de Liège. XVIIIe siècle, t. III, p. 170.