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LA LOI FONDAMENTALE REVISÉE

du peuple et il fallut leur rappeler qu’ils n’étaient que ceux du roi. Dépités d’être pris pour de simples enregistreurs d’une constitution faite sans eux, ils disaient qu’il ne fallait pas les convoquer si on ne voulait pas les laisser parler. Ils s’obstinaient à réclamer deux Chambres au lieu d’une seule, à exiger la publicité des débats parlementaires, la responsabilité des ministres, le vote annuel des budgets, bref, à vouloir soumettre le roi au parlement. On leur fit quelques concessions sans importance. Ils obtinrent la division des États-Généraux en deux Chambres dont la seconde délibérerait en public, et le budget fut réparti de telle sorte que les dépenses permanentes seraient consenties tous les dix ans et les dépenses courantes chaque année. Pour le reste, la Loi fondamentale ne subit d’autres modifications que celles que lui imposaient les huit articles et que rendait indispensable l’adjonction de la Belgique à la Hollande. Elle s’élargit sans se transformer. L’égalité des cultes, l’admissibilité de tous aux emplois, la communauté financière et la communauté économique ne pouvaient altérer son caractère essentiellement monarchique. Elle devait donc apparaître aux Belges, et elle leur apparut ce qu’elle était en effet, une constitution faite pour mettre à l’abri de leurs atteintes le pouvoir du souverain hollandais qui leur était imposé par l’Europe. Pour consentir au roi la prépondérance écrasante qu’il exerçait dans l’État, ils auraient dû professer à son égard la même confiance que leurs compatriotes du Nord et, comme eux, lui remettre le soin de leurs destinées.

Telle qu’elle sortit, le 13 juillet 1815, des délibérations des commissaires, la nouvelle Loi fondamentale établissait comme l’ancienne « un gouvernement monarchique tempéré par une constitution ». Le roi devait dire plus tard qu’il y avait « restreint de son propre mouvement les droits de sa maison »[1]. Il considérait donc ces droits comme illimités. À aucun égard il n’admettait qu’il les tînt de la nation. Il consentait seulement à modérer son absolutisme en associant les États-Généraux à son pouvoir. Et cette association, très

  1. De Gerlache, op. cit. t. III, p. 176.