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RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT

calvinisme avait appris à lire à la nation et l’avait tout entière, en la pénétrant de son esprit, passionnée pour les controverses qu’il suscitait incessamment entre les « ministres ». Il y avait répandu, du savant à l’instituteur, une ardeur querelleuse et sectaire qui entretenait, dans toutes les classes sociales, l’activité intellectuelle. Des universités, le mouvement se répercutait sur les gymnases et jusqu’aux plus humbles écoles de village. Il stimulait la production de la presse et, naturellement, le goût de la lecture, contracté sous l’influence des luttes confessionnelles, s’était étendu peu à peu à tous les domaines. Tous les voyageurs qui parcourent les Provinces-Unies au XVIIe et au XVIIIe siècle y sont frappés par la généralité de l’instruction. En 1805, le préfet de l’Escaut, Faipoult, constatait que par contraste avec les paysans flamands presque tous illettrés, leurs voisins de Zélande sont si instruits que chacun d’eux possède une petite bibliothèque et « consacre plus ou moins de son temps à la lecture »[1].

Le souci de l’enseignement n’avait disparu en Hollande ni sous la République batave, ni sous le gouvernement éphémère de Louis-Napoléon. L’État était intervenu aussitôt dans ce domaine, abandonné jusqu’alors à l’initiative des autorités ecclésiastiques et des autorités municipales. La loi sur l’instruction, promulguée en 1806, passait pour un modèle. L’organisation qu’elle avait créée était si remarquable qu’après l’annexion du pays à l’Empire, l’Université napoléonienne, par mesure exceptionnelle, l’avait laissé subsister dans ses traits principaux. Dès 1814, elle était rentrée en vigueur, et la Loi fondamentale avait eu soin de la confier, pour en mieux garantir l’existence, au pouvoir personnel du roi. L’idée d’en étendre le bienfait à la Belgique s’imposait donc d’autant plus irrésistible à son gouvernement, qu’en la transportant aux provinces du Sud, il obtenait le double avantage d’y soumettre l’enseignement à son autorité, et de le faire servir en même temps à l’amalgame intime des deux parties du royaume.

  1. Mémoire sur le département de l’Escaut, p. 154.