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LES PARTIS ET LE GOUVERNEMENT

L’alliance des catholiques et des libéraux ne s’était faite qu’en vue du redressement de leurs griefs. Elle ne visait qu’à réaliser légalement un programme de réformes. Ce n’est point à l’État, c’est au gouvernement qu’elle s’en prenait. Non seulement elle acceptait la Loi fondamentale, mais elle se réclamait de ses principes. De même que les libéraux français, à partir de 1825, s’étaient ralliés autour de la Charte, elle se plaçait résolument sur le terrain constitutionnel. On pourrait même dire qu’elle s’y retranchait contre le gouvernement. Elle se donnait l’apparence d’une opposition dynastique. Pour n’avoir point à combattre le roi, elle le reléguait respectueusement dans une inviolabilité qui le plaçait en dehors de la lutte, et elle portait tous ses efforts contre les ministres. Interprétant elle aussi la Loi fondamentale à sa manière, elle prétendait y découvrir le parlementarisme auquel elle aspirait. À l’en croire, le gouvernement personnel, tel qu’il avait été pratiqué jusqu’alors, n’était qu’une usurpation permanente, non point du souverain mais des agents du souverain, sur les droits de la nation. Attentive à ne pas mettre Guillaume en cause, elle s’acharnait contre le plus impopulaire de ses conseillers, van Maanen, comme au XVIe siècle, catholiques et protestants avaient chargé Granvelle de tous les griefs dont ils ne voulaient pas accuser Philippe II. Et c’était un moyen fort habile de mettre le roi devant l’alternative ou d’accepter le principe parlementaire de la responsabilité ministérielle, ou de s’exposer lui-même à tous les coups de l’opposition.

Dès la fin de 1828, celle-ci entre en campagne, soutenue par l’action combinée de la presse catholique et de la presse libérale. Ses efforts se déploient tout ensemble au sein des États-Généraux et au sein de la nation. Au mois de novembre, Charles de Brouckère propose à la seconde Chambre des États d’abroger ce qui subsiste de l’arrêté-loi du 20 avril 1815 dans le régime de la presse. Pour la première fois, le débat s’élève, et les ministres entendent avec surprise invoquer contre eux la « bonne doctrine constitutionnelle » que les députés belges les accusent de fouler aux pieds au mépris de la Loi fondamentale. Leur voix qui s’est élevée si longtemps au milieu de