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LES JOURNÉES DE SEPTEMBRE

succès[1]. Et à cela s’ajoutaient encore la jalousie des officiers volontaires à l’égard des officiers de carrière que le Gouvernement provisoire, pour rester fidèle à ses promesses, récompensait par ses faveurs de quitter l’armée hollandaise, et les soupçons trop bien fondés de trahison qui trouvaient tout naturellement créance parmi des hommes inconnus les uns aux autres, recrutés au hasard et dont le passé donnait souvent naissance à des bruits fâcheux. Il avait fallu, le 5 octobre, retirer son commandement à don Juan van Halen, soupçonné de correspondre avec le prince d’Orange et d’avoir fomenté parmi les mineurs du Borinage des troubles qui ne tardèrent pas à s’apaiser à la voix de Charles Rogier[2].

Mais les volontaires et les gardes civiques ne s’embarrassaient pas plus de ces intrigues que l’ennemi ne songeait à en profiter. Ils marchaient en avant, pleins d’une ardeur joyeuse, acclamés à la traversée des villages, salués du haut des églises par les drapeaux tricolores et se pressant en désordre aux trousses de l’ennemi comme des traqueurs à une battue. Dès le lendemain des journées de Bruxelles, sans ordre ni direction, ils s’étaient jetés sur les avant-postes hollandais, certains qu’ils reculeraient, et ils avaient reculé. Depuis lors, ils n’avaient plus cessé de les talonner, entrant derrière eux à Diest, à Aerschot, à Malines et croyant conquérir un terrain que l’armée se repliant sur Anvers s’empressait de leur céder.

La lutte devint plus chaude lorsque les Hollandais furent arrivés sur la Nèthe. Il leur eût été facile de la défendre, mais ils étaient trop abattus pour le vouloir. L’imprudente audace des Belges aurait dû causer leur perte : elle leur donna la victoire. Le 13 octobre, Niellon, avec 2,110 hommes, marche sur Lierre. Terrorisé par l’attitude de la population qui sonne le tocsin et encourage de loin les assaillants, le commandant de la place demande à parlementer et consent à se retirer avec la garnison,

  1. Cf. à ce sujet, outre les Mémoires de Pletinckx, l’Histoire des événements militaires de la Révolution en Belgique par Niellon (Bruxelles, 1868) et le Journal de campagne du comte Frédéric de Mérode par Pierre Peeters, son compagnon d’armes, dans les Souvenirs du comte F. de Mérode, t. II, p. 215 et suiv.
  2. Discailles, Charles Rogier, t. II, p. 32. Cf. Niellon, op. cit., p. 299.