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JEMAPPES

à lui appliquer des « moyens de tactique révolutionnaire », c’est-à-dire à employer la force pour obtenir l’adhésion du pays au « système de la liberté ».

Le 9 février, le peuple était convoqué en assemblées primaires chargées d’émettre un vœu « sur la forme du gouvernement ». On eut soin de ne pas les réunir le même jour : il fallait que les troupes qui « devaient contenir les malintentionnés » eussent le temps de se déplacer de ville en ville et de permettre, par leur présence, à la minorité jacobine de faire la loi à la majorité. Les opérations débutèrent à Mons le 11 février[1]. Pour capter les voix du peuple, l’administration municipale où dominait le parti avancé, avait promis du travail aux ouvriers sans ouvrage. Dès le matin la population s’était portée à l’église Sainte-Waudru. Le général Ferrand ouvrit l’assemblée par un discours saluant à l’avance la « réunion de deux peuples libres ». Il avait à peine fini que les jacobins munis de poignards et coiffés du bonnet rouge éclataient en acclamations, se précipitaient sur les opposants désarmés et les rejetaient au dehors, où les soldats massés devant les portes les accueillirent à coups de fusil. Ainsi préparé, le vote n’était pas douteux : la réunion du peuple souverain de Mons à la République Française fut décidée à l’unanimité. Des scènes analogues se passèrent successivement dans les autres villes. À Gand le 22, à Bruxelles le 25, le vœu du peuple fut exprimé par les mêmes moyens et avec la même spontanéité. Les « activistes » des clubs et les officiers français dirigèrent partout le mouvement. Nulle part il n’y eut ni listes électorales, ni débats contradictoires. Sous la protection des bayonnettes, les coryphées de la réunion eurent la naïveté ou l’ironie d’insister sur la liberté des votes. « Ma patrie, disait à Gand le commissaire Courtois, ne mendie pas

  1. Je suis les récits de A.-P. Raoux, Mémoire sur le projet de réunion de la Belgique à la France, p. 9 (Paris, 1795), de A.-J. Paridaens, Journal historique, publ. par A. Wins, t. II, p. 174 (Mons, 1905), de P.-P. Harmignies et de N.-J. Descamps, Mémoires sur la ville de Mons, publ. par J. De Le Court et Ch. Rousselle, p. 56 et 198 (Mons, 1882), tous témoins oculaires. Ajouter Aulard, Recueil des actes du Comité de Salut Public, t. II, p. 114.