Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/174

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Ce sont naturellement les conditions géographiques, le relief du sol, la direction et la navigabilité des cours d’eau, la configuration des côtes marines, qui, par la direction qu’elles ont imposée à la circulation des hommes et des choses, ont en même temps déterminé l’emplacement des premiers établissements commerciaux. Mais, presque toujours, ces emplacements se trouvaient déjà habités à l’époque où l’afflux des marchands les anima d’une activité nouvelle. Les uns, et c’est là le cas en Italie, en Espagne et en Gaule, étaient occupés par une « cité » épiscopale ; les autres, et c’est ce que l’on rencontre dans les Pays-Bas et dans les régions à l’est du Rhin ainsi qu’au nord du Danube, servaient de siège à un bourg, c’est-à-dire à une forteresse. Rien de plus facile à comprendre que cette rencontre.

Dans le territoire de l’ancien Empire romain les « cités » épiscopales, en effet, s’élevaient aux endroits les plus favorablement situés, puisque les centres diocésains avaient été établis, dès l’origine, dans ces villes principales, et que ces villes n’avaient dû elles-mêmes leur importance qu’aux avantages de leur position. Quant aux bourgs, construits dans les contrées du nord et de l’est pour servir d’abri aux populations en cas de guerre ou pour contenir les incursions des barbares, la plupart d’entre eux se trouvaient ainsi aux points que la facilité même de leur accès désignaient comme lieux de refuge ou de défense[1]. Ni les cités, ni les bourgs ne présentaient d’ailleurs la moindre trace de vie urbaine. Ceux-ci, tels que par exemple les châteaux élevés par les comtes de Flandre contre les Normands, ou les forteresses construites par Charlemagne et Henri l’Oiseleur le long de l’Elbe et de la Saale pour contenir les Slaves, étaient essentiellement des postes militaires, occupés par une garnison d’hommes d’armes et par les gens nécessaires à leur entretien, le tout sous le commandement et la surveillance d’un châtelain. Les cités, au contraire, se distinguaient par un caractère tout ecclésiastique. A côté de la cathédrale et de l’enclos des chanoines, on y rencontrait habituellement plusieurs monastères, et les principaux vassaux laïques de l’évêque y avaient également leur résidence. Que l’on ajoute à cela les maîtres et les élèves des écoles, les plaideurs cités devant le tribunal de l’official, le concours des fidèles affluant

  1. Il y a naturellement des exceptions, par exemple Thérouanne.