Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/428

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désertes le long de côtes sauvages, rencontraient les bateaux arabes, touchaient enfin cette source de richesses dont l’Europe n’avait connu jusqu’alors que l’embouchure dans le Levant.

Les Portugais avaient été les premiers pionniers des mers inconnues. Ils avaient procédé lentement, sans perdre les côtes de vue tout d’abord, puis se renseignant à mesure qu’ils avançaient, ils franchissaient le Cap, touchaient Zanzibar, et cinglaient vers l’est : en somme, leur plan consistait, à force de patience et d’énergie, à doubler, en tournant autour de l’Afrique, la Syrie et l’Égypte, derrière laquelle on savait bien que l’on devait trouver les Indes. Ils avaient pour se guider des indications suffisantes. Partant d’un ensemble de données empiriques, ils sentaient que chacun des pas faits en avant les rapprochait du but. Les Portugais n’avaient besoin pour réussir que des progrès de la technique marine, c’est-à-dire de vaisseaux assez solides, assez grands et assez bons manœuvriers pour pouvoir tenir la mer pendant plusieurs mois.

Les voyages de Christophe Colomb, au contraire, sans la science de la Renaissance, seraient inconcevables. Avec moins d’héroïque confiance dans les travaux de Toscanelli et des géographes italiens du xve siècle, comment eut-il résolu de cingler droit à travers l’Atlantique et d’arriver aux Indes en encerclant le globe dans le sillon de ses vaisseaux ? Ses projets trop hardis effrayèrent la cour de Portugal. Celle d’Espagne se laissa persuader. Le 3 août 1492, les caravelles disparaissaient derrière l’horizon ; le 12 octobre, elles abordaient aux Antilles. Il s’en fallait de la longueur de plus d’une hémisphère que l’on ne fût aux Indes ! Le monde était bien plus grand que ne l’avait supposé Toscanelli ; tous ses calculs étaient faux, mais, comme il arrive si souvent, l’erreur de la science était féconde ; elle venait de faire découvrir l’Amérique. Les voyages suivants de Colomb (1492-1502) et celui de son compatriote Sébastien Cabot, entré au service de Henri VII d’Angleterre, firent apparaître l’immensité de la découverte en aboutissant au territoire américain, ceux-là à l’Orénoque et au Panama, celui-ci au Labrador. En 1500, Cabral y était jeté par les vents sur un autre point de son immense étendue, au Brésil. Ce n’est qu’en 1513, que l’Océan Pacifique fut aperçu du haut des montagnes de l’Isthme de Panama. En 1520, Magellan doublait le Cap Horne, se lançait sur le désert de cette immensité nouvelle et découvrait les Philippines. Ses compagnons revinrent en Espagne par les îles Moluques et l’Océan Indien. Le tour du monde était accompli.