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portionnés à la valeur de terres qui augmente grâce aux progrès du commerce et de la circulation. Le vrai moyen de bénéficier de cette plus-value est dans le fermage libre ou dans le faire valoir direct au moyen de travailleurs libres et salariés. Aussi, dès le commencement du xve siècle, voit-on en Italie, ce qui reste de l’ancienne servitude rurale des paysans faire place à la liberté personnelle. En 1415 déjà, un statut florentin édicte la suppression obligatoire de la servitude de corps et des cens personnels, de l’attachement de l’homme à la glèbe, de toutes espèces de corvées, de toute condition juridique incompatible avec la liberté personnelle, de toute subordination féodale ou judiciaire pesant sur les individus au profit d’un autre. Dans les Pays-Bas, depuis 1515, le prince multiplie les édits en vue d’affranchir à la fois les hommes et les terres. Défense est faite aux seigneurs, en 1531, d’exiger de leurs tenanciers « dons gratuits, services, journées, secours de noces » sous peine de rendre le double et d’être punis arbitrairement. En 1520, on interdit l’établissement de nouvelle dîmes et l’on abolit tous les droits fonciers existant depuis moins de quarante ans. Partout le fermage libre se substitue aux anciennes tenures féodales et héréditaires. L’affranchissement des paysans est en réalité l’affranchissement du propriétaire qui, se trouvant désormais en face d’hommes libres détachés de sa terre, peut disposer de celle-ci par de simples contrats révocables et que leur courte durée lui permet d’adapter facilement aux progrès de la rente du sol. Sans doute, ici encore, il ne faut pas exagérer la portée de cette nouveauté. Le capitalisme n’a pas plus fait disparaître la servitude personnelle à la campagne qu’il n’a supprimé à la ville les corporations de métiers. Leur abolition à tous deux ne devait être proclamée que par la Révolution française. Mais de même que les métiers cessent de se développer et végètent depuis le xvie siècle, de même ce qui subsiste du servage n’est plus qu’un archaïsme, une survivance, un témoin d’une époque dépassée, qui se conserve sur quelques terres d’abbayes ou au fond de provinces reculées. Partout où s’épanche la vie nouvelle, il disparaît, il est emporté comme une entrave gênante.

Et aussi bien, en même temps que disparaît le servage et dans la même mesure, voit-on la technique agricole se perfectionner et progresser. La culture du riz est introduite, au xve siècle, dans la plaine lombarde ; l’élevage du vers à soie se répand dans le midi de la France sous le règne de Louis XI. En Flandre, la pratique de l’assolement triennal est abandonnée ; l’ensemencement des jachères en