Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/492

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Louis XI, elle offrit sa main à l’Autrichien. L’occasion était trop belle pour n’en pas profiter. Maximilien se hâta d’accourir et l’union fut conclue à Bruges, le 28 août 1477.

C’était un expédient bâclé sous la pression de la nécessité. Et pourtant jamais mariage politique n’a exercé une telle influence sur l’avenir de l’Europe. En faisant entrer le jeune État bourguignon dans l’ensemble hybride des domaines habsbourgeois, non seulement il le condamnait à subir désormais le contre-coup des combinaisons de la plus ambitieuse et de la plus avide des dynasties, mais il ouvrait en même temps entre la France et la maison des Habsbourg le long conflit qui ne devait se terminer qu’au xixe siècle. Brusquement, l’Autriche que tout semblait orienter vers les pays danubiens, prenait pied au bord de la Mer du Nord, entre les deux grandes monarchies de l’Occident. Rien, si ce n’est l’appétit territorial ne l’y appelait. Elle n’avait aucune mission à y remplir, aucun intérêt à y défendre, si ce n’est celui de ses princes. Sa politique purement dynastique s’y trouva dès les premiers jours en conflit avec les besoins et les aspirations des peuples. Encore si son but avait été de rétablir sur les Pays-Bas la suzeraineté désuète de l’Empire ! Mais tout au contraire elle entend bien ne les conserver que pour soi et ses efforts ont toujours tendu à les séparer de l’Allemagne. La situation qu’elle y occupe, à l’envisager au point de vue de la communauté européenne, apparaît donc aussi absurde qu’artificielle. Et de là les catastrophes qu’elle devait amener. Ce n’est pas impunément qu’à aucune époque les intérêts des princes et ceux des peuples se sont trouvés divergents. L’histoire de la maison de Habsbourg en est la démonstration saisissante. En acquérant les Pays-Bas, elle s’est trouvée entraînée dans cette voie de domination universelle, dans cette politique d’agrandissement pour l’agrandissement où les nations ne comptent que comme des héritages, les pays comme des domaines, et qui devait faire d’elle jusqu’à nos jours, l’ennemie jurée de toutes les aspirations nationales et de toutes les libertés publiques.

On ne peut s’étonner que les Pays-Bas aient laissé s’accomplir en silence un acte aussi fatal pour eux-mêmes. Leur fusion en un seul corps d’État était encore trop récente pour avoir pu y provoquer le sentiment de l’indépendance nationale. D’ailleurs, en pleine révolution particulariste, chaque province ne songeait qu’à soi-même et les bourgeois de Gand, qui menaient le mouvement, ne se préoccupaient que de rétablir les vieux privilèges municipaux et