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rius se résigna à lui donner en mariage sa sœur Galla Placidia. Les noces furent célébrées en grande pompe, avec l’accompagnement obligé d’épithalames conviant Vénus et l’Amour à combler de leurs dons les nouveaux époux. Athaulf cherchait visiblement à se faire pardonner son origine, tant par sa femme que par les Romains. Il ne demandait, disait-il, qu’à mettre les forces de ses barbares au service de l’Empire. On le chargea de les employer à expulser les Vandales qui infestaient encore le sud de la Gaule. Il les conduisit en Aquitaine où ils s’établirent à demeure ainsi qu’au nord de l’Espagne.

Mais l’Empire allait-il rester aux Germains ? Ou plutôt Germains et Romains n’allaient-ils pas partager le même sort et tomber sous le joug tartare ? Le péril jaune, pour la première fois, menaçait toute l’Europe. Attila continuait sa marche en avant, asservissant au passage ou chassant devant lui les populations germaniques. Déjà il franchissait le Rhin et ses hordes, se dirigeant vers le sud-ouest, envahissaient le nord de la Gaule. C’est là que, près de Châlons-sur-Marne, le dernier homme de guerre de l’Antiquité, Aétius, vint lui offrir la bataille décisive. Les Francs, les Burgondes, les Wisigoths lui avaient envoyé des renforts et l’armée qu’il commandait était vraiment l’image de cet Empire qui, submergé de Germains, ne consentait pourtant pas à disparaître. Avant de mourir, il rendit encore au monde le service suprême de refouler l’invasion hunnique. La tactique supérieure qu’Aétius devait à la civilisation pour laquelle il combattait sauva celle-ci de la ruée des barbares. Après deux journées de lutte, Attila décampa et reprit le chemin de la Germanie. Cette retraite n’était pas encore une déroute, et l’année suivante le « Fléau de Dieu » ravagea la Haute-Italie. Mais il se retira encore, et, l’an 453, mourait subitement au milieu d’une orgie.

L’Empire de ce prédécesseur de Ghengis-Khan s’effondra aussi rapidement que devait le faire huit siècles plus tard celui de son émule, sans laisser de son passage sur le monde autre chose que des ruines et qu’un long souvenir d’effroi dans les traditions populaires. Aétius, son vainqueur, fut assassiné sur l’ordre de l’empereur Valentinien III. Avec lui disparut, dit un chroniqueur contemporain, le « salut de l’État occidental ». Rome fut prise et pillée par les Vandales en 455 ; le noble Majorien faillit venger cette injure. Mais de plus en plus, le pouvoir passait à des chefs germains :