Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/223

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Sa nomination avait été combattue par le duc de Bavière qui prit les armes contre lui, inaugurant ainsi ce conflit des Guelfes et des Gibelins qui devait troubler, durant si longtemps, l’Allemagne et l’Italie. La lutte fut continuée à sa mort par son fils Henri le Lion, à qui il fallut, en 1142, donner le duché de Saxe en remplacement de la Bavière dont la maison de Babenberg s’était fait inféoder. Le pauvre Conrad n’eut pas le temps d’aller se faire couronner au delà des Alpes ; il espéra relever son prestige en prenant part à la deuxième Croisade et n’y trouva que la mortification d’un échec. Il mourut en 1152 et son neveu Frédéric, après un arrangement préalable avec l’adversaire de sa maison, Henri le Lion, obtint la voix des princes.

Avec Frédéric Barberousse s’ouvre un règne dont l’éclat paraît d’autant plus grand que ceux qui l’ont précédé ont été plus obscurs. Le jeune roi, nature ardente et ambitieuse, était décidé à relever aux yeux du monde la majesté impériale et c’est à atteindre ce but inaccessible, qu’il se consacra fougueusement, pour n’aboutir à la longue qu’à une retentissante défaite et au gaspillage des dernières forces et des ultimes ressources de la royauté allemande.

A première vue, la politique de Frédéric se rattache à la tradition carolingienne, et la canonisation de Charlemagne en 1165 par un synode allemand semble confirmer cette filiation. En réalité, entre le Carolingien et le Hohenstaufen, il n’y a plus rien de commun si ce n’est l’universalité de leurs tendances. Tel que le conçoit Barberousse, l’Empire n’est plus cet Empire chrétien, né en 800 à Saint-Pierre de Rome, si intimement lié au gouvernement de l’Église et si étroitement uni à la papauté qu’il en est indissoluble. Il est dans toute la force du terme l’Empire romain, mais l’Empire romain des Augustes, tel qu’il existait avant les invasions. C’est de lui qu’il tient ses droits au gouvernement du monde et, dès lors, son origine remontant au delà de la naissance du Christ, comment pourrait-il rien avoir de commun avec la papauté ! Plus ancien qu’elle, il en est donc aussi indépendant que l’empereur de Byzance. Au lieu que l’Empire soit dans l’Église, c’est l’Église qui est dans l’Empire et, en dépit de son caractère sacré, le pape n’est en définitive qu’un sujet de l’empereur. Au mysticisme religieux qui se trouve au fond de la conception carolingienne se substitue ici une sorte de mysticisme politique, remontant hardiment par delà les siècles à cette Rome éternelle et maîtresse de l’univers, et en faisant découler, comme de l’unique source de toute puissance