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Les Germains, on le sait, avaient des rois. Mais le pouvoir royal était chez eux complètement subordonné à l’assemblée du peuple qui d’ailleurs en disposait, puisqu’il était électif. Plus rien de tel après la conquête. Mis hors de pair désormais par la puissance qu’elle lui a donnée, le roi possède en fait une autorité absolue. Il n’y a plus qu’un pouvoir dans l’État, le sien ; la constitution se réduit au simple exercice du gouvernement personnel. De son origine primitive, le roi ne conserve rien. En réalité, ce n’est plus à ses ancêtres germaniques qu’il ressemble, c’est à l’empereur romain. Du moins, en possède-t-il l’irresponsabilité et l’autocratie.

Il se donne volontiers d’ailleurs comme son lieutenant. Si vis-à-vis de ses sujets germaniques, il apparaît comme un roi national, il n’est, pour les Romains, qu’un général de l’Empire, et les titres dont il se pare, ou qu’il réclame de l’empereur, permettent à ce dernier de le considérer comme le représentant de l’autorité impériale.

Installé à Ravenne, après la fixation des Goths dans l’Italie du nord, Théodoric continue la tradition romaine et est reconnu par la population et par l’Église comme le représentant de la légalité. Genséric lui-même, après qu’il eut conquis, à la tête des Vandales, l’Afrique, la plus riche et la plus prospère des provinces d’Occident, et malgré sa rupture avec Rome, apparaît comme un roi romanisé, dont l’absolutisme se manifeste par la répression sanglante des velléités d’indépendance de l’aristocratie germanique, et dans le cadre des institutions romaines. La cour des Wisigoths, à Toulouse d’abord, à Tolède ensuite, est, elle aussi, toute romaine. La population des anciennes provinces conquises conserve ses institutions, ses fonctionnaires romains adoptés par le pouvoir nouveau, ses juges, et reste soumise à l’impôt. L’armée germanique installée suivant le principe de « l’hospitalité » au milieu de la population conquise, après moins d’un siècle, est mélangée avec elle au point d’avoir perdu toutes ses anciennes institutions nationales, sa langue et jusqu’à son organisation militaire.

L’éphémère royaume burgonde, qui devait dès 534 se fondre dans la Francia mérovingienne, réalisa d’emblée la fusion des vainqueurs et des vaincus sous l’absolutisme d’un roi barbare plein de respect pour l’Empire romain, dont il se réclamait, et dont il respectait, à Lyon comme à Vienne, les institutions municipales.

Seuls les Francs devaient conserver dans le nord de la Gaule leurs mœurs, leur langue et leurs institutions. Mais, éloignés de