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et du roi de France pendant le séjour d’Avignon (1314-1377) est à bien des égards une anticipation sur les Temps Modernes et une accommodation réciproque de l’Église et de l’Etat.

Mais cette situation ne profite qu’à la France. On ne s’en aperçoit que trop à l’extérieur où l’on désigne cette période sous le nom de « captivité de Babylone ». L’idée que le pape ne réside plus auprès du tombeau des apôtres est intolérable aux âmes pieuses. Les États non français s’indignent de tous ces papes français qui se succèdent : Clément V (Bertrand de Goth), Jean XXII (Jacques d’Eux de Cahors, 1316-1334), Benoît XII (Jacob Fournier de Saverdun près Toulouse, 1334-1342), Clément VI (Pierre Roger, 1342-1352), Innocent VI (Jean Birel, 1352-1362), Urbain V (abbé de Saint-Victor de Marseille, 1362-1370), Grégoire XI (de la famille Roger, 1370-1378)[1].

Naturellement, Avignon n’est qu’un pied-à-terre où l’on s’éternise. Mais on n’y peut rester toujours. Jean XXII ne fut élu en 1316 qu’après avoir promis de replacer le siège à Rome. Mais les circonstances sont très fâcheuses en Italie dont la papauté ne se désintéresse pas. Le roi Robert de Naples (1309-1343) qui a succédé à Charles II, a reçu à Avignon là couronne des mains du pape et fait échouer l’expédition de l’empereur Henri VII. Mais à Rome c’est bientôt l’anarchie. En 1347, Cola di Rienzo est nommé « tribun » et pendant les quelques mois de sa dictature rêve de nouveau la restauration de l’Empire romain. L’État de l’Église est en décomposition. Innocent VI y envoye pour le reconstituer le cardinal Albornoz, comme vicaire général (1353). Cola se joint à lui, mais cette fois est tué par le peuple. A Naples, après le règne de Robert, la lutte avait éclaté entre sa fille Jeanne et le roi Louis de Hongrie qui, appartenant à la maison d’Anjou, prétendait à la couronne ; elle devait durer jusqu’en 1350.

Urbain V (1362-1370), le meilleur des papes d’Avignon, qui réagit contre le luxe et les abus, aspire à retourner à Rome. Il y retourne en effet en 1367. La ville est à moitié dépeuplée ; quantité de monuments antiques sont tombés en ruines. Les « grandes compagnies » de mercenaires licenciés ravagent le pays. L’empereur Charles IV vient à Rome et reste en Italie jusqu’en 1369 sans rien faire qu’emplir sa bourse en punissant quelques villes. Au milieu de cette anar-

  1. Ce sont tous des Provençaux, sans doute à cause des Angevins de Naples.