Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/334

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avec une égale conviction, priaient le ciel comme Catherine de Sienne pour le pape de Rome, ou comme Vincent Ferrier et Pierre de Luxembourg, pour celui d’Avignon. Mais comme dans tous les problèmes de droit qui touchent à la politique, c’étaient les intérêts qui devaient fournir la solution. La France et tous les États qui gravitaient autour d’elle, Naples, Écosse, Castille, Aragon, se prononcèrent pour Clément. Il n’en fallut pas davantage pour gagner l’Angleterre à Urbain. L’empereur Charles IV le reconnut aussi en vertu de la tradition qui rattachait l’Empire à Rome. Les États du nord, la Bohême, la Pologne agirent de même sans prendre grand intérêt à la question. Le roi de Hongrie ennemi de la reine de Naples qui était pour Clément, entra dans le parti opposé. Ainsi la chrétienté ne se laissa guider, dans un débat si grave pour l’Église, que par des considérations d’opportunité temporelle. La papauté, si triomphante un siècle auparavant, subit l’humiliation de voir subordonner l’obédience qu’on lui portait, aux convenances des gouvernements. Et non seulement elle accepta cette situation, mais elle la consacra pour ainsi dire par son attitude. Pour conserver sa clientèle politique, chacun des deux papes se montra à son égard d’une condescendance singulière. C’en fut fait des hautaines déclarations qui avaient jadis fait revendiquer par leurs devanciers, la disposition des royaumes. Ce fut à qui des deux pontifes en lutte se montrerait le plus accommodant pour ses partisans. Quant aux peuples, ils suivirent passivement l’attitude de leurs princes, sauf quand, en lutte avec eux, ils adhérèrent, par sentiment d’opposition, au pape du parti adverse.

Au milieu d’un tel désarroi, les abus dont l’Église souffrait de plus en plus visiblement depuis le commencement du xivesiècle ne pouvaient que s’aggraver. La cour de Rome comme celle d’Avignon la soumirent à une exploitation d’autant plus intense qu’une moitié de la chrétienté devait maintenant fournir à chacune d’elles autant de revenus qu’avait fait jadis la chrétienté tout entière. Le système de provisiones, des annates, de reservationes se mit à fonctionner à outrance ; la simonie, le népotisme, le favoritisme prirent une extension déplorable. La hiérarchie fut de plus en plus à la merci de l’argent.

Une telle situation était intenable. Elle devait sans doute en se prolongeant aboutir à la ruine de l’Église. Le succès de Wyclif en Angleterre était significatif. Et en Bohême, Jean Hus, s’inspirant de lui, commence aussi à agiter le peuple (1403). Mais, vis-à-vis