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de ces réformateurs révolutionnaires, la vieille Université de Paris, ce conservatoire de la théologie, cherche ardemment une solution compatible avec l’orthodoxie. Pierre d’Ailly, Gerson et Clémangis d’une part, Wyclif et Hus de l’autre, voilà le grand conflit religieux du commencement du xve siècle. On pourrait être tenté encore ici, suivant une recette commode, de faire intervenir l’élément racique : latins pour l’Église, germains contre elle. Germains et Slaves alors ! Mais il est très simple d’expliquer les attitudes différentes. En Angleterre, on l’a vu, les difficultés croissantes du pays avec le pape ont orienté dans le sens qu’elle a pris la théologie wyclifienne, dont Hus ne fait que reprendre les thèses en les appuyant sur le nationalisme tchèque. Au contraire, en France, depuis que la papauté est à Avignon, l’État n’a qu’à s’en louer. Rien ne le pousse à rompre avec elle ; rien dans le peuple ne lui est hostile. On peut corriger les abus, rétablir la discipline, restaurer la piété sans tout ruiner, sans nier tout le passé et d’un bond retourner à la Bible et au christianisme primitif. Un concile œcuménique peut trancher la question et tout à la fois faire cesser le schisme et apporter à l’Église les réformes dont elle a besoin. Malheureusement, aucun des deux papes ne veut céder la place. Les États ne parviennent pas à s’entendre pour proclamer en face de l’un et de l’autre une « soustraction d’obédience » générale qui les obligerait à céder. La France pousse de toutes ses forces à la fin du schisme, mais elle est gênée par ses querelles intestines. L’assassinat du duc d’Orléans qui la fait passer sous l’influence du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, lui fait prendre une attitude plus décidée. Car Jean, dont les Flamands sur lesquels il règne sont pour Rome, est très embarrassé par la querelle et pousse de toutes ses forces à une solution. Les cardinaux des deux partis se sentant soutenus s’enhardissent. En 1409, enfin, ils convoquent à Pise un concile général qui s’ouvre le 25 mars.

C’était dans l’Église une nouveauté inouïe qu’un concile se réunissant à l’appel des cardinaux. L’esprit révolutionnaire qui travaillait la société laïque se communiquait aussi à la société religieuse. Les deux papes, Grégoire XII (Rome) et Benoît XIII protestèrent également et s’agitèrent en vain pour faire échouer les travaux de l’assemblée. Mais elle était décidée à aller jusqu’au bout. Le 5 juin, elle déclarait solennellement Pierre de Luna (Benoît XIII) et Angelo Corrario (Grégoire XII) schismatiques notoires et hérétiques, les déposait l’un et l’autre, et prononçait