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dants, étaient-ils restés durables. Depuis 1286, l’union des duchés de Brabant et de Limbourg, depuis 1250 celle des comtés de Hainaut, de Hollande et de Zélande, formaient comme le prodrome d’un mouvement d’unification qui devait par la suite se continuer. L’extinction des petites dynasties locales venait justement d’amener, au moment où Philippe le Hardi prenait pied en Flandre, deux des maisons qui luttaient pour la prépondérance en Allemagne, à hériter de ces territoires. La maison de Bavière avait hérité en 1345 des comtés de Hainaut, Hollande et Zélande, et en 1355 le mariage de Jeanne, héritière du Brabant et du Limbourg, avec Wenceslas, frère de l’empereur Charles IV, permettait à la maison de Luxembourg d’escompter dans l’avenir la possession de ces deux belles provinces. Mais, absorbées dans leurs querelles d’Allemagne, ni l’une ni l’autre de ces maisons n’étaient capables de soutenir efficacement la situation de leurs représentants dans les Pays-Bas. Philippe le Hardi, au contraire, disposant des ressources et des forces du gouvernement sous son neveu Charles VI, eut bientôt fait de l’emporter sur l’une et sur l’autre. En 1355, il unissait par un double mariage son fils Jean à Marguerite de Bavière, et Guillaume de Bavière, comte de Hainaut, à sa fille, tandis que pour assurer encore l’alliance qui était en réalité un protectorat, il faisait épouser par le roi Charles VI, Isabau de Bavière, fille du duc de Hainaut-Hollande. Trois ans plus tard, la duchesse de Brabant étant en guerre avec le duc de Gueldre, il persuada à Charles VI de conduire l’armée française contre cet allié de l’Angleterre. L’expédition n’eut d’autre résultat que de livrer le duché à Philippe. Wenceslas de Luxembourg étant mort peu avant, la duchesse de Brabant déchira la convention par laquelle elle reconnaissait les Luxembourgeois comme ses héritiers et assura sa succession à Philippe qui, lui-même, par scrupule de froisser le sentiment d’autonomie des Brabançons, la céda à son second fils Antoine. Ainsi, quand il mourut en 1404, l’influence de sa dynastie avait accompli d’immenses progrès dans les Pays-Bas. Mais la richesse de ces pays était telle, leur position politique si avantageuse, qu’elle allait bientôt s’y implanter et qu’oubliant son origine française, elle allait par une ambition qui devait nécessairement s’amalgamer avec les instincts de ses sujets du nord, se naturaliser chez eux. Charles V avait espéré ramener la Flandre à la couronne en l’assurant à son frère. L’ironie de l’histoire voulut que le mariage de 1369 fut le point de départ de cette puissance bourguignonne qui allait devenir bientôt la plus cruelle ennemie de la France.