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depuis trente ans, furent convoqués en 1413, il y soutint toutes les réformes exigées par les « Cabochiens », attentif avant tout à conserver la popularité des masses. Quant aux intérêts du royaume, on n’en trouve nulle trace dans sa politique. L’année suivante, lorsque Henri V reprend les armes contre la France, il se confine dans une neutralité si bienveillante qu’elle touche à l’alliance.

L’état de désorganisation où était tombée la France la rendait incapable d’une résistance énergique. Le roi fou, la bourgeoisie hostile, le duc de Bourgogne s’obstinant, le poids de la lutte pesait sur le parti Armagnac comme si la guerre étrangère n’eut été qu’un épisode de la guerre civile. Le désastre d’Azincourt (25 octobre 1414) livra aux Anglais la Normandie. On voulut traiter. Les prétentions du vainqueur furent tellement exorbitantes que Jean sans Peur, dont le but n’était que de neutraliser l’une par l’autre la France et l’Angleterre, se rapprocha du dauphin autour duquel se groupaient maintenant les Armagnacs. Mais les passions étaient trop déchaînées pour pouvoir se subordonner à l’intérêt national. Le 20 septembre 1419, un coup de hache lui faisait expier, à l’entrevue de Montereau, le meurtre du duc d’Orléans.

Au moment où la maison de Bourgogne revenait vers la France, ce crime la rejeta passionnément dans l’alliance anglaise. Pendant treize ans, le fils de Jean sans Peur, Philippe le Bon (1419-1467), allait s’acharner à l’abaissement du royaume avec une ardeur suscitée par la vengeance et dirigée par l’intérêt politique. Car, s’il mit ses forces à la disposition de l’Angleterre, ce fut à la condition que l’Angleterre lui laissât les mains libres au nord et l’aidât à conquérir les Pays-Bas comme il l’aidait lui-même à conquérir la France. La popularité dont son père avait joui parmi les bourgeois facilita sa tâche. Les États généraux n’hésitèrent pas à reconnaître Henri V comme successeur de Charles VI. Le dauphin, sans énergie, sans talents militaires, sans popularité et ne disposant que de troupes insuffisantes et sans confiance, fut bientôt obligé de se replier au delà de la Loire. La mort de Henri V et celle de Charles VI qui se suivirent à quelques mois d’intervalle en 1422, permirent aux Anglais et aux Bourguignons de faire proclamer à Paris Henri VI, un enfant de quelques mois, roi de France et d’Angleterre. Après soixante-dix ans de guerre, le but poursuivi par Édouard III et légué par lui à l’ambition de ses successeurs, était atteint ! Le duc de Bedfort fut chargé de la régence et d’achever la conquête du royaume. L’avenir du dauphin, retiré à Bourges,