Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/364

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à lui donner cette influence extraordinaire qu’elle a exercée sur les meilleurs soldats de Charles VII, un La Hire ou un Dunois. Quant à la nation, découragée et désenchantée, la délivrance d’Orléans (1429) lui donne subitement le secours qui la redresse et lui rend l’énergie. La « pucelle » dissipe les vieux relents des querelles de partis. On se reprend à espérer, on se rappelle les vieilles prophéties annonçant qu’une vierge sauvera le royaume. Il a suffi de cette apparition si pure pour rendre la France à elle-même en face de l’Anglais et du Bourguignon. La carrière si courte de la « bonne Lorraine » a ranimé les forces latentes du peuple. Sa capture à Compiègne en 1431, son supplice à Rouen en 1432, n’arrêtent pas l’œuvre qu’elle a commencée. Si peu d’énergie que montre le roi, si mal qu’il profite des circonstances, il est certain maintenant qu’il a partie gagnée. D’ailleurs, Bedfort paralysé par Glocester, ne conduit pas la guerre avec vigueur. Et quand, en 1435, Philippe le Bon a conclu enfin avec Charles VII une paix qui désormais laisse les Anglais seuls en face de la France, le résultat final n’est plus qu’une question de peu de temps. En 1435, Paris ouvra ses portes aux troupes royales et « le roi de Bourges » vient enfin prendre possession de sa capitale. Puis, quand la guerre interrompue par une trêve recommence en 1445, elle n’est plus qu’une suite de succès. En 1449, Rouen est reprise ; en 1450, la victoire de Formigny donne aux Français toute la Normandie ; Bordeaux et Bayonne sont à eux en 1451 et enfin, en 1453, après la bataille de Châtillon, l’ennemi évacue les derniers postes qu’il occupait encore dans le sud du royaume. De toutes les conquêtes, il lui reste Calais et le vain titre de roi de France qui figurera sur ses monnaies jusqu’au xixe siècle.

Le seul résultat durable de la Guerre de cent ans a été la création sur la frontière nord du royaume d’un puissant État bourguignon. Philippe le Bon, en travaillant avec les Anglais, en réalité travaillait pour lui. Il profitait activement de la faiblesse de Charles VII pour recueillir les résultats de la politique entamée par son grand-père et son père et réunir sous son pouvoir les divers territoires des Pays-Bas. Il achète le comté de Namur en 1421, se fait reconnaître en 1428 par Jacqueline de Bavière comme héritier du Hainaut, de la Hollande et de la Zélande, succède en 1430 à son cousin Jean IV aux duchés de Brabant et de Limbourg, et ne conclut la Paix d’Arras que moyennant la cession par le roi de l’Artois et des villes de la Somme. Les années suivantes lui apporteront la possession du