Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme une croisade était impossible aussi longtemps que durerait le schisme, il poussa de toutes ses forces, encore qu’avec un zèle assez indiscret, à la réunion puis au succès des travaux du Concile de Constance. Héritier, depuis la mort de son frère, du royaume de Bohême, la révolte des Hussites qui l’empêchait de prendre possession du pays lui était un autre motif de se passionner pour la réforme de l’Église. Son titre de roi des Romains était un excellent prétexte de se mêler des affaires de la papauté, tout en faisant les siennes. Les expéditions ordonnées par les papes et les conciles contre les Hussites échouèrent d’ailleurs sans exception à la confusion de la chevalerie allemande. Enfin en 1434, après la guerre contre les Taboristes et les Utraquistes, le modus vivendi des Compactats ayant été accepté, Sigismond put faire son entrée à Prague. Il mourut trois ans plus tard, le 9 décembre 1477, et ses royaumes de Bohême et de Hongrie passèrent à son gendre Albert d’Autriche. Ainsi, les vastes territoires de la maison de Luxembourg venaient s’adjoindre aux duchés d’Autriche et de Styrie. Le but visé par la maison de Habsbourg depuis son établissement dans la vallée du Danube était atteint. Une grande puissance dynastique, mélange hybride de pays allemands, slaves et magyars, se formait à l’Orient de l’Allemagne. Tous les efforts de tant de rois pour fonder le pouvoir de leurs familles aboutissaient finalement à faire monter les Habsbourg au rang des plus puissants souverains de l’Europe. Le hasard a sans doute joué un rôle dans leur fortune, comme il le joue dans celle de tous les riches héritiers. Une grossesse malheureuse, une union stérile, la mort prématurée d’un enfant, eût suffi pour tout compromettre. Il ne faut pourtant pas exagérer en ceci la part de l’imprévu. Ne se rencontre-t-il pas aussi bien dans les opérations de guerre que dans les arrangements matrimoniaux ? Il faut reconnaître que si le bonheur a favorisé les Habsbourg, c’est qu’ils l’ont aidé. Depuis la fin du xiiie siècle, toute leur politique a consisté à se créer, par d’habiles mariages, des droits à revendiquer sur la Bohême, la Hongrie et même la Pologne. Ils ont compté sur la force génératrice de leur race, comme d’autres comptent sur celle de leur épée, et le calcul s’est trouvé bon. Appliqué à des pays de plus ancienne civilisation et doué d’une conscience nationale plus développée, il en eût, il est vrai, été autrement. Il suffit de rappeler ici les mesures prises en France au commencement du xive siècle pour écarter les rois d’Angleterre de la couronne. Mais ni en Hongrie, ni en Bohême, la royauté n’était encore assez intimement