Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/376

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Aussi la France continue-t-elle à s’étendre sur sa frontière orientale sans même que les empereurs protestent. Le Dauphiné est acquis par la France en 1349. Si Charles IV, en 1365, s’est encore fait couronner à Arles pour maintenir son droit sur l’ancien royaume de Bourgogne, ce n’a été sans doute que pour pouvoir le vendre à meilleur prix. Car presqu’aussitôt, il nomme le dauphin vicaire de l’Empire en Arles. La Franche-Comté passe à Philippe le Hardi. En 1388 une armée française va combattre le duc de Gueldre sans que personne s’émeuve. Dans les Pays-Bas, on a vu comment la maison de Bourgogne s’étend, englobant Hainaut, Hollande, Zélande, Namur, Brabant, soumettant à son protectorat Liège et Utrecht, et finissant même par s’annexer le Luxembourg, berceau de l’une des maisons impériales. Philippe le Bon brave en face Sigismond. Mis par lui au ban de l’Empire en 1433, il lui répond par un manifeste insolent adressé aux princes et aux villes d’Allemagne. De toutes parts, il reçut l’assurance d’une neutralité sur laquelle il comptait. Quand enfin, en 1437, l’empereur poussé à bout voulut agir, il en fut réduit à envoyer Louis de Hesse avec 400 lances dans le Brabant, sur lequel il prétendait avoir des droits. Il suffit de paysans du Limbourg pour refouler l’exécuteur impérial dans Aix-la-Chapelle.

L’épisode est caractéristique. Il met en vive lumière la vraie nature de l’Empire : agglomération de princes et de villes ne s’intéressant au souverain que pour autant que sa politique tourne en leur faveur. L’Allemagne n’est pas un État, c’est un agrégat de souverainetés locales, principautés laïques ou ecclésiastiques et villes libres (soixante-dix environ). Encore les villes libres ne comptent-elles guère. Quelques-unes seulement, Cologne, Nuremberg, Augsbourg, ont par elles-même assez de force pour se défendre ; aucune n’en a assez pour avoir, comme les villes italiennes, une politique puissante. Leur politique est une politique de clocher. Certes la bourgeoisie allemande s’est largement développée au xive siècle. Mais ses progrès n’ont servi qu’à elle-même. Les princes ont cherché à entraver son action que le roi, d’autre part, n’a pas soutenue. Elle ne joue donc pas ici, le rôle si considérable qui lui est dévolu dans l’évolution générale en France et en Angleterre. La Hanse fait exception. Quoique faiblement liées les unes aux autres, l’intérêt commun de ces villes les unit contre leurs adversaires qui, par bonheur, sont très faibles. Le Danemark est le plus dangereux. Le roi Waldemar est battu en 1369 et la Baltique reste jusqu’au commencement du xve siècle un lac allemand.