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leurs boyards et des serviteurs nécessaires à leur entretien. Moscou, fondée en 1147, ne s’éleva au-dessus de ses voisines que pour des motifs purement politiques et dans la mesure même où son prince l’emporta sur les autres princes. Seul Novgorod que fréquentèrent assidûment depuis le commencement du xiiie siècle les marchands de la Hanse, présentait une importance commerciale qu’elle devait d’ailleurs tout entière à l’étranger. C’était un comptoir allemand en Russie beaucoup plus qu’un centre économique russe.

Novgorod était le seul point par lequel la civilisation occidentale eût pu se répandre en Russie. Malheureusement les rudes et rapaces marchands de la Hanse n’étaient capables de la montrer que sous ses formes les moins attrayantes ; leur contact avec les habitants n’eut guère d’autre résultats que de provoquer de part et d’autre la haine et le mépris. La différence des religions empoisonnait encore des relations si mal commencées. L’orthodoxie grecque que les Russes conservaient de leur séjour aux bords du Dniéper, les isolait de l’Europe, sans que l’influence civilisatrice de Byzance dont ils étaient désormais trop éloignés, pût compenser pour eux ce que cet isolement avait de funeste.

Pour comble de malheur, il fut rendu plus complet encore par la grande invasion mongole du xiiie siècle. En 1223, Dschudshi, fils de Gengiskhan, conquérait toute la région occupée par les Coumans entre le Don et la Volga. Son fils Batou poussa plus loin vers l’ouest, s’empara de Moscou en 1234, de Kiev en 1240 et étendit son pouvoir sur toute la Russie terrifiée et à moitié dépeuplée. Cependant les Mongols ne s’établissent pas au delà du Don. Leur khan se contente d’imposer sa seigneurie aux princes russes et de les soumettre au tribut. Ils n’en furent pas moins, aussi longtemps que l’Empire de la « horde d’or » conserva sa puissance, les humbles vassaux d’un despote asiatique, et s’ils ne s’asiatisèrent pas, c’en fut assez du moins pour les empêcher de s’européaniser. La décadence de la horde d’or après la mort d’Usbek (1313-1341) leur laissa une liberté d’allures dont les princes de Moscou profitèrent pour s’annexer les principautés voisines. Avec Ivan III (1462-1505), cette œuvre d’unification est accomplie. Ivan, allié au khan de Crimée, anéantit ce qui subsistait encore de la domination mongole. Une nouvelle période de l’histoire de Russie s’ouvre avec son règne.

Ce fut, comme pour les Russes, l’invasion d’un peuple asiatique, celle des Hongrois, qui détermina la destinée des Slaves du midi