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début par la participation de chacun de ses membres au gouvernement de tout le pays ; il n’a pas conduit au morcellement, et l’unité politique s’est conservée en même temps que l’unité nationale, par la faiblesse même d’une autorité centrale dépendant, de l’aristocratie. Ajoutons que ces peuples, coupés de la mer, n’auront de bourgeoisie que très tard.

Le voisinage immédiat de l’Allemagne ainsi que les droits qu’elle revendiquait sur la Bohême ont naturellement mêlé cette dernière à ses conflits. Ses princes profitèrent des troubles qui éclatèrent après la mort de Frédéric Barberousse pour augmenter leur indépendance. En lutte avec Othon III, Philippe de Souabe, pour s’assurer l’appui du duc Ottokar Ier, lui donna en 1198 le titre de roi. L’immixtion des rois de Bohême dans les affaires allemandes fut depuis lors assez pénétrante pour valoir à ces Slaves leur entrée dans le Collège des électeurs. Il put sembler d’ailleurs, à partir de l’avènement de Wenceslas II (1230-1253), que leur royaume fût destiné à se germaniser. Wenceslas poussa de tout son pouvoir à l’immigration allemande dans ses États encore tout agricoles. Il favorisa surtout l’arrivée des artisans et des commerçants qui s’établirent en masse, durant tout le cours du xiiie siècle, dans les « bourgs » du pays, où ils conservèrent leur droit et leur langue. Durant longtemps, la bourgeoisie fut, au milieu des Tchèques, dans toute la force du terme, une population étrangère. Elle n’en sentit que plus fortement le besoin de s’appuyer sur la royauté et la fidélité qu’elle lui témoigna augmenta singulièrement les ressources, le prestige et les forces de la dynastie. Ses progrès se révèlent d’une manière éclatante sous Ottokar II (1235-1278). Les nobles du duché d’Autriche, dont le duc vient de périr en combattant les Hongrois, l’appellent à l’aide et le reconnaissent comme leur seigneur ; il ajoute à l’Autriche le duché de Styrie d’où il expulse les Hongrois et se fait reconnaître comme son héritier par le duc de Carinthie. Des Monts des Géants, sa puissance s’étend dès lors jusqu’aux rives de la Mer Adriatique. Il semble que la couronne de Bohême soit sur le point de s’annexer toute l’Allemagne danubienne. Et, poussant hardiment plus oultre, Ottokar postula, à la mort de Richard de Cornouailles, le titre de roi des Romains. Ce fut Rodolphe de Habsbourg qui l’obtint et la lutte était désormais inévitable entre les deux rivaux. Rodolphe, livré à ses propres forces, n’eût pu venir à bout de son adversaire. Mais les Hongrois jouèrent ici, pour la première fois, ce rôle qu’ils devaient reprendre si souvent