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s’y maintenir jusqu’en 1382 et contribuer largement à « occidentaliser » le pays. Le grand roi de cette maison fut Louis (1342-1382) qui occupa la Moldavie abandonnée par les Mongols, soumit la Croatie, força les Vénitiens à lui céder les côtes et les îles de l’Adriatique jusqu’à Durazzo.

Sa politique indique les ressources et l’ambition d’un grand roi, mais elle est insensée par sa grandeur. Son frère André, mari de la reine Jeanne de Naples, ayant été assassiné, il fit deux expéditions contre ce royaume. À cette politique italienne s’en ajoute une au nord, car il fut comme on l’a vu roi de Pologne, si bien que son action s’étendait, de la Vistule à l’Adriatique et à la Mer Noire.

Lui aussi, et le rapprochement est curieux, contemporain de Charles IV et de Casimir de Pologne, agit comme eux. Il fonda une université à Fünfkirchen. Les mœurs polies de la cour commencèrent à se répandre parmi les magnats. Ce milieu du xive siècle est pour la Bohême, la Pologne et la Hongrie, une époque intéressante par l’influence, je ne dirai pas française, mais occidentale, qui succède à l’influence allemande du xiiie siècle.

La situation de Louis ne devait pas avoir de lendemain. Sans fils, il avait fondé une œuvre aussi immense que fragile. La Pologne passa à Jagellon. Un parent angevin, Charles de Durazzo fut assassiné en 1387, et Sigismond de Luxembourg, qui avait épousé Marie fille de Louis, fut enfin reconnu.

Ce fut un pauvre règne. Les Turcs commencent à apparaître. Toute politique vers l’Adriatique est maintenant impossible. Les titres de roi des Romains et d’empereur obtenus par le roi de Hongrie ne peuvent rien pour sauver le pays. Ils l’entraînent au contraire dans la guerre des Hussites. Les projets de concile, on l’a vu, s’expliquent par le péril turc, mais ne servent à rien.

À sa mort en 1437, Albert d’Autriche qui avait épousé sa fille Élisabeth, porta la couronne de Hongrie ; il mourut prématurément en 1439, sans avoir eu le temps d’assurer la domination habsbourgeoise sur ce pays dont l’histoire allait se confondre maintenant pour longtemps avec celle de la poussée turque.

L’impression d’ensemble qui se dégage de l’histoire des Slaves et des Hongrois jusqu’au milieu du xve siècle peut se formuler en disant que, s’ils sont entrés dans la communauté chrétienne, ils sont restés en revanche à peu près étrangers à la communauté européenne. Il leur a manqué cette initiation à la civilisation romaine que l’Empire carolingien a apportée aux Germains. Ils n’ont pas vécu