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sur les grandes routes. Pour y arriver, ils font eux-mêmes des ligues (hermandades) comme les villes allemandes, et ces ligues appuient en même temps le pouvoir justicier du roi, car il est frappant de voir combien domine chez ces rois le caractère justicier. Sous Alphonse X est rédigé pour la Castille le Codigo de las siete pardidas. Jayme II d’Aragon a conservé la réputation d’un législateur. Le roi Denis de Portugal (1279-1325) a laissé le surnom de el justo. Pierre Ier (1357-1367) est loué de sa sévérité impitoyable. Contre la noblesse militaire, la bourgeoisie a donc, de toutes ses forces, aidé la monarchie dans son rôle de gardienne du droit et de la paix publique. Les hermandades lui ont pour ainsi dire constitué une police volontaire contre les bandits et les malfaiteurs. Il va de soi que les villes, si intimement associées à l’exercice du pouvoir royal, obtinrent de très bonne heure leur entrée dans les Cortes. Dès le xiiie siècle, leurs députés y siègent à côté de ceux de la noblesse et du clergé. Les querelles dynastiques qui ont troublé l’Espagne au xive siècle ont fourni à ces Cortes une excellente occasion d’augmenter leur ingérence dans le gouvernement et d’imposer plus d’une fois aux rois, surtout en Aragon ou les villes sont plus influentes qu’ailleurs, des concessions qui rappellent d’assez près celles qui ont été arrachées aux princes des Pays-Bas à la même époque. Du reste, leur influence s’est arrêtée là. L’Espagne n’a pas plus que les autres États continentaux dépassé ce dualisme politique où le prince d’une part, les ordres privilégiés de l’autre, se trouvant en présence, s’arrangent par des compromis. Le parlementarisme, la collaboration des deux éléments à l’anglaise ne s’y est pas plus introduite qu’ailleurs. Les questions d’impôt ont joué comme partout leur rôle dans ces luttes constitutionnelles du xive siècle. L’impôt castillan par excellence, l’alcalaba — taxe sur les ventes et les achats — a été accordé pour la première fois par Burgos à Alphonse XI (1312-1350) à l’occasion d’une expédition contre Algésiras. Depuis lors, il s’est peu à peu répandu dans tout le pays.

Querelles dynastiques et contestations politiques ont si bien occupé les royaumes espagnols que, durant le xive siècle et la plus grande partie du xve siècle, ils se sont à peu près abstenus de reprendre la guerre contre les Maures de Grenade. En revanche, ils s’enrichissent et développent leur commerce. Les campagnes commencent à se couvrir de moutons et la laine espagnole devient, dans le commerce du nord, une rivale de la laine anglaise. L’expor-