Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/444

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donner aux laïcs que les œuvres de la « clergie ». Maintenant on s’en détourne. Toute cette littérature laïque se tient en dehors de l’Église. Elle est d’ailleurs plus féconde que belle. Seuls les rhétoriqueurs recherchent l’art.

L’essentiel me paraît être qu’il se forme un public pour la littérature comme pour l’art. Les artistes qui le fournissent sont de grands artistes. Les écrivains en revanche sont presque tous de troisième ordre. Je crois qu’on peut l’expliquer pour autant que l’on puisse expliquer les choses littéraires. C’est que tous les genres traditionnels sont morts. On se trouve en présence d’une littérature desséchée, comme à la fin du xviiie siècle, d’une littérature qui se survit. Se serait-elle renouvelée d’elle-même ? Qui le dira ? En tous cas, l’impulsion est venue du dehors, puissante, irrésistible, par l’Italie. Tout a été emporté, et l’art lui-même qui s’est plié à la mode et s’est mis à s’italianiser. Phénomène semblable au Romantisme au commencement du xixe siècle.

La Renaissance commence à s’imposer à la fin du xve siècle. Dans tous les arts tout d’abord, sauf en musique, et elle y apparaît comme essentiellement italienne et non antique : comme l’invasion du Gothique en Europe avait été essentiellement française. Mais qu’on remarque un fait symptomatique. Le Gothique s’est répandu hors de France, par l’Église. Ici au contraire, l’art italien de la Renaissance se répand par les arts profanes et c’est dans l’Église qu’il pénétrera en dernier lieu. Ce sont les grands et les rois qui le favorisent. François Ier fait venir Léonard de Vinci à sa cour. Guillaume de Clèves, Marguerite d’Autriche le mettent à la mode dans les Pays-Bas. Les premières constructions du style nouveau ne sont-elles pas en France les châteaux de la Loire ? En somme, la nouvelle orientation du goût est toute profane et mondaine dans ses origines.

Il n’en va pas de même pour l’influence intellectuelle qui ne pouvait s’exercer que par l’intermédiaire du latin, et qui, à la différence de la première, est plus antique qu’italienne. Le New learning, comme disent les Anglais, est un retour direct à l’antique, provoqué évidemment par l’exemple des humanistes, mais qui ne se subordonne pas à eux. Évidemment il y a eu dans le nord des humanistes, poètes surtout, comme Pierre Gilles et l’auteur des Basia, Jean Second, et dont le Certamen poeticum Haftianum d’Amsterdam continue jusqu’aujourd’hui la lignée directe. Longolius, de Malines, appartient à la même école. Mais les grands n’en