Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/458

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ce n’est pas de la sympathie, c’est de l’enthousiasme qu’elle manifeste. La bourgeoisie des villes libres du sud surtout, plus remuante, plus active que celle du nord, adhère aussitôt aux tendances nouvelles. A vrai dire, les idées religieuses du réformateur ne sont comprises que d’un très petit nombre d’âmes vraiment pieuses. Pour la masse elle est entraînée surtout par les attaques contre le clergé et contre Rome. La doctrine de la justification par la foi leur échappe et personne encore ne songe à une rupture dogmatique avec l’Église, mais elle est profondément remuée par les déclamations enflammées contre le trafic des choses saintes et des sacrements, contre les abus de la vie monastique, contre l’arrogance enfin de ces prêtres qui se proclament l’Église alors que l’Église appartient à tous les chrétiens. Déjà nombre de moines abandonnent leurs couvents ; des curés, du haut de la chaire, se prononcent pour le mouvement. On se met à lire et à interpréter la Bible. Une ferveur naïve s’exhale contre ce clergé qui, durant si longtemps, a trompé le peuple en lui cachant la vraie religion contenue dans le livre saint. Une partie de la noblesse ne témoigne pas moins d’ardeur. Le patriotisme allemand, la haine de Rome, l’espoir confus d’une régénération de l’Empire, aussi bien politique que religieuse, animent les chevaliers qui se groupent autour d’Ulrich de Hutten et de Frans von Sickingen. Cependant, les princes réfléchissent. Quelles perspectives ne leur offre pas l’espoir de séculariser les biens ecclésiastiques ? De quel attrait ne relève-t-il pas la parole de Dieu, et combien séduisante apparaît la tâche de faire triompher la cause de l’Évangile en réalisant la plus profitable des affaires ! En somme, chez la très grande majorité de ses premiers adhérents, le luthéranisme est beaucoup plus une révolte contre la papauté qu’un soulèvement du sentiment religieux.

Et ses progrès sont d’autant plus faciles que l’Église n’est défendue par personne. Ni le peuple, ni les princes ne lui viennent en aide. Elle même fait preuve d’une étonnante apathie. Quelques théologiens polémisent bien contre Luther, mais elle renonce à agir sur ces masses qui, après lui avoir obéi si longtemps, tout à coup se tournent contre elle. On dirait qu’elle doute de ses propres forces et son impuissance au milieu d’un tel conflit augmente naturellement l’audace de ses adversaires. Luther ne craint pas de brûler sur le marché de Wittenberg la bulle qui le condamne (10 décembre 1520).

L’empereur Maximilien était mort le 12 janvier 1519, au mo-